En janvier 2013, Thierry Garde succédait à Olivier Lecler comme Directeur Général de Société Générale Private Banking Monaco. Après presque 3 ans de présence en Principauté, nous l’interrogeons sur son ressenti.
Comment analysez-vous la Place Financière de la Principauté ?
C’est une belle Place, avec un nombre assez élevé d’intervenants, banques ou sociétés de gestion.
On devrait constater un mouvement de consolidation bancaire, qui tarde à venir malgré les contraintes qui pèsent désormais sur les établissements financiers. Le poids de la compliance, des structures, de la surveillance des comptes, les entraîne à densifier leurs effectifs, renforçant le montant des frais généraux et engendrant nécessairement un haut niveau de point mort. Une taille critique sera nécessaire pour se maintenir.
La Place est attractive, comme le prouve l’augmentation continue des actifs déposés et gérés, malgré un mouvement de régularisation fiscale : la perte de certains clients est largement compensée par ceux qui souhaitent « on-shoriser » la détention de leurs avoirs. Cette attractivité tient à plusieurs facteurs : la solidité du secteur bancaire, une Place très bien régulée, contrôlée par le régulateur local et l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR, le régulateur français), quand ne s’ajoute pas, en fonction des liens capitalistiques, le régulateur d’un pays tiers.
Des acteurs de qualité offrent un très bon niveau de service et de produits et les équipes sont performantes.
La Place est aussi très réactive : les circuits de décisions sont courts et efficaces. Elle profite de liens historiques avec un certain nombre de pays comme la Russie, l’Afrique, le Moyen-Orient.
Quant aux clients, ils apprécient la sécurité en Principauté, et, globalement, la qualité de vie qu’elle offre (scolarité, système de santé, transports).
Avec une présence historique et importante de la clientèle russe à Monaco, comment évolue ce marché ?
On observe un certain ralentissement, une inflexion liée à la conjoncture économique, financière ou politique, mais le mouvement de fond perdure, des liens historiques ont été établis, preuve en est « 2015, l’année de la Russie à Monaco », dont les manifestations ont remporté beaucoup de succès.
Certaines règles ont été édictées ou votées par le Gouvernement russe concernant la délocalisation des avoirs, mais la clientèle russe reste, pour nous, un axe de développement important, assez largement représenté dans notre fonds de commerce. À Monaco, cela reste un axe de développement prioritaire, nous renforçons la part des Russes, ou russophones, au sein de notre effectif, pour la Banque Privée comme pour la Banque de détail. Nous avons une offre adaptée au profil des clients russes et une relation de longue date avec cette clientèle. Bien évidement, nos activités se font dans le respect des règles de conformité de la banque en appliquant toutes les obligations légales et réglementaires en vigueur.
Et la clientèle chinoise?
Elle est assez marginale. Monaco est tout de même éloigné de la base géographique et culturelle des clients chinois, venir sur la Riviera est moins « spontané » pour eux que pour les Russes, présents dès le 19ème siècle. Ils s’orientent naturellement vers les Places financières de Singapour, Hong-Kong. Les Sud–Américains viennent à Monaco, mais sont également assez loin de leurs bases culturelles. Quant à la clientèle du Moyen-Orient, elle est stable, moins installée à Monaco que la clientèle des pays de l’Est, on la retrouve plutôt à Cannes. Mais elle est très attachée à la qualité de service, à la proximité, à l’expertise ; de grosses qualifications qu’elle trouve en Principauté, par exemple pour le financement de propriétés de luxe sur la Riviera, à Paris, Londres, dans les stations de ski alpines, ou encore à Evian.
Quelles inflexions stratégiques avez-vous souhaité donner à Société Générale de Monaco ?
Nous sommes les premiers sur la Place en matière de crédit, avec près de 20 % des encours octroyés par la Place. Et nous sommes dans le Top 5 en matière d’actifs sous gestion.
Nous devons diversifier autant que possible le fonds de commerce, et nous renforcer dans nos zones géographiques de prédilection, où notre présence est forte, pour tirer parti des synergies groupe.
Il s’agit de l’Europe Centrale, de l’Europe de l’Est : Russie, Tchéquie, Bulgarie, Roumanie, Balkans, Slovénie, Croatie, Pologne. Un autre exemple : l’Afrique, du Nord ou Sub-saharienne, où nous sommes présents dans 16 pays pas tous francophones. Nous y avons 11 500 salariés, et la Société Générale génère plus d’un milliard de revenus sur le continent Africain, qui est pour nous, comme l’a récemment souligné notre Directeur Général Frédéric Oudéa, une priorité.
Par ailleurs, les Résidents monégasques sont de plus en plus nombreux. Nous devons être très disponibles pour cette clientèle, en ayant pour objectif de rapatrier le maximum de leurs actifs sur Monaco. Notre légitimité est forte, au niveau de la Banque Privée comme de la Banque de détail. Nous développons une offre qui correspond à leurs attentes : gestion financière sous forme de mandats (gestion discrétionnaire et gestion conseil), conseils en ingénierie fiscale, patrimoniale, problèmes successoraux…. Nous proposons des capacités de financement immobilier pour des villas d’exception, des yachts, des jets privés. Nos spécialistes sont très pointus.
En ce qui concerne la banque de détail, la densité de notre maillage permet un service de proximité performant. Nous avons la capacité de financer des besoins domestiques (crédit à l’habitat, à la consommation).
Cependant, la spécificité monégasque de la Société Générale, c’est notre relation très étroite avec les entreprises au sens large. Auprès de grands acteurs (trading international, croisiéristes, forage pétrolier, BTP…) mais aussi auprès des commerçants, des artisans, des professions libérales. Nous sommes proches des représentants de la FEDEM (Fédération des Entreprises Monégasques), et nous nous faisons un devoir de financer et de développer le tissu économique local.
Un dernier mot sur l’industrie bancaire en général ?
Le risque de notre métier est la dépersonnalisation du contact. C’est la raison d’ailleurs pour laquelle les Sociétés de Gestion, offre alternative au système bancaire, et les Family Office se développent. Les clients recherchent la réactivité, une bonne qualité de service et une proximité intellectuelle. Ils peuvent avoir au sein de certains établissements un sentiment de banalisation des contacts que nous devons à tout prix éviter. À la Société Générale, nous avons mis en place une offre organisée, s’adressant à des professionnels qui défendent les intérêts de leurs clients.