Interview de Gérald Mathieu, CEO de Barclays Monaco, Directeur de la Banque Privée Europe et Moyen-Orient, également Président de la Commission de Promotion de la Place financière de l’AMAF.
Parlez-nous de votre parcours dans la gestion de fortune
J’ai travaillé un peu plus de 30 ans dans la banque, côté banque d’affaires et clientèle privée. Issue d’une famille d’entrepreneurs, j’ai toujours trouvé passionnant de travailler avec les entrepreneurs – qu’il s’agisse d’une grande entreprise ou d’une plus petite – parce que chacun d’eux est une histoire unique. Ils sont au cœur de l’économie, et leurs idées, leur énergie, leur talent, leur travail génèrent de la richesse.
Ainsi, au travers de mes responsabilités dans la banque d’affaires, la banque d’investissement et la banque privée, je peux désormais prolonger ce lien avec les entrepreneurs.
Au sein de Barclays, j’ai très vite été responsable de la partie leadership, de la gestion des équipes pour accompagner, développer et faire grandir. J’ai rejoint Barclays Monaco il y a bientôt 13 ans, initialement en tant que directeur commercial, puis j’ai été promu Directeur Général de la banque privée en Suisse. Cela m’a permis de couvrir les équipes de Genève et de Zurich, où nous avons maintenu une très forte croissance, et de développer les zones Europe et Moyen-Orient.
Barclays Monaco
Monaco est une place stratégique pour Barclays en tant que banque privée internationale. Il y a deux ans, l’opportunité de revenir à Monaco en tant que CEO s’est présentée, tout en me permettant de conserver mes responsabilités sur les zones Europe et Moyen-Orient.
La banque privée internationale est une ambition forte de la part du groupe Barclays dans les zones que je couvre, et nous avons d’ailleurs réalisé une très belle année 2022.
Il faut savoir que la banque privée n’était pas forcément le métier premier de Barclays mais cela le devient. Cela constitue une activité extrêmement résiliente surtout dans les périodes de crise. C’est un métier qui permet de dégager de la profitabilité. A la fois, une profitabilité, et une récurrence des revenus, qui s’inscrivent sur du long terme et qui viennent ainsi soutenir le bilan de la banque, ce qui est essentiel, surtout dans des cycles un peu plus compliqués où il faut être très solide financièrement.
Comment rassurer les investisseurs en temps de crise ?
Notre métier est d’accompagner nos clients et d’être particulièrement à leurs côtés dans les moments plus ou moins complexes. C’est là que nos clients nous attendant et que nous devons leur expliquer ce qu’il se passe. Leur expliquer pourquoi leurs solutions d’investissements s’inscrivent sur du long terme. Pourquoi la diversification est un élément fondamental de la gestion de leur patrimoine. Pourquoi il faut aussi parfois ne pas prendre de décisions hâtives dans des périodes de peur et d’insécurité. C’est notre métier que d’être courageux. C’est ce message que je transmets à nos équipes.
Nous devons aussi rappeler à nos clients la nécessité absolue de diversifier les approches et les investissements. Diversification avant tout mais également protection de portefeuille, parce qu’il existe des outils pour protéger les portefeuilles. Nous avons ici une salle des marchés extrêmement performante avec de grands professionnels qui ont ces solutions de couverture et qui sont particulièrement dédiés au hedging pour les périodes compliquées.
Des solutions Barclays made in Monaco ?
On se nourrit bien entendu de ce que notre maison mère met à notre disposition. Mais ici à Monaco nous avons 250 personnes parmi lesquelles des équipes d’investissement. Notre salle des marchés est très performante. Ouverte de 8h du matin à 22h après la clôture de New York, elle se compose de traders actions, obligations, produits dérivés, devises, un sujet d’ailleurs très important pour Barclays depuis toujours, puisqu’il est le troisième acteur mondial sur les devises.
C’est important de pouvoir exécuter localement et rapidement. J’insiste sur ce point parce que l’on ne se rend pas toujours assez compte de l’importance d’avoir des middle desks, back offices et trading desks à disposition. Encore une fois, lors de périodes de panique ou de changements radicaux des marchés, il faut pouvoir agir vite, dans la minute, dans l’heure. Nos équipes sont présentes ici et peuvent exécuter instantanément les opérations de trade sans nécessiter l’intervention d’autres desks intermédiaires. Et cela fait toute la différence. L’exécution d’un trading desk est un point essentiel.
Avoir les équipes de gestion sous mandat à Monaco, qui bien évidemment suivent la philosophie des équipes de Londres, est un également critère majeur pour délivrer le service que nous voulons offrir à nos clients. La proximité est un atout significatif, elle créée cette relation de confiance qui s’inscrit dans le sens même du private banking. C’est du rapport humain et cela demande du courage, d’oser faire face parfois à des situations complexes, d’expliquer au client la raison et les solutions possibles qui se présentent.
Quel type de produits pour vos clients entrepreneurs ?
La capacité de Barclays à Monaco c’est d’avoir une partie banque d’affaires qui nous aide beaucoup. On peut ainsi accompagner les entrepreneurs dans le développement de leur entreprise, que ce soit pour une IPO, une fusion acquisition, une opération de capital market ou pour lever de la dette.
La banque d’affaires va nous fournir parfois un accès à des investissements directs qui par définition ne sont pas des solutions disponibles sur le marché, et qui consistent à investir en direct dans des entreprises. Il s’agit souvent de secteurs de niche, comme le traitement des plastiques, les vaccins, ou les nanotechnologies. Nos clients apprécient la perspective d’avoir un accès à des opportunités ciblées.
Le club d’investissement raisonne particulièrement auprès de nos clients entrepreneurs. On va leur présenter un mandat de gestion composé de 40 ou 50 sociétés et c’est la partie diversifiée, long terme qui vont particulièrement leur parler, sans toutefois que ces investissements n’exigent beaucoup de temps de leur part.
Pour les entrepreneurs qui ont encore des actions de leur propre entreprise, ils vont apprécier la partie ingénierie que nous pouvons leur apporter (hedging ou au contraire prendre de la dette à titre privé). Si on peut les aider à faire du levier sur leurs titres on va pouvoir également les aider à diversifier au travers d’une vision à 360°, tout en se projetant sur les années à venir, afin de diversifier leurs risques et d’assurer leur patrimoine en investissant dans les mandats.
Barclays étant une entité très globale, nous allons pouvoir accompagner un client résident en Principauté partout où Barclays se trouve, et ce depuis Monaco.
Le private market devient une demande en forte augmentation et particulièrement auprès des résidents à Monaco et des entrepreneurs monégasques. On voit clairement que cette partie-là, private placement, private equity gagne en intérêt. Nous ne sommes pas encore trop positionnés early stage en revanche, et restons plutôt sur les cycles plus avancés.
Quid de vos clients Millenials ?
C’est une génération importante pour nous, parce que ce sont les enfants de nos clients et que le transfert de patrimoine va être très conséquent d’ici les cinq – dix prochaines années. Pour cela, il faut impérativement que nous soyons prêts. Cela implique de nous adapter, dans notre façon de communiquer, de produire nos reportings et de leur présenter la manière dont nous gérons leur patrimoine. Cela demande toujours plus de transparence, d’innovation, mais aussi de la remise en question.
Et plus encore, cela nous amène également à recruter des millénials. Recruter de nouveaux collaborateurs et s’assurer que dans ce recrutement aussi, nous avons la bonne diversité, c’est-à-dire de recruter des femmes, des personnes qui viennent de différents horizons, de différentes minorités et ainsi de constituer un mélange de talents qui sauront comprendre, identifier et répondre aux exigences de nos jeunes clients.
Peu à peu ce sont ces nouvelles équipes qui vont nous aider à créer des produits, à générer les bons reportings, et à communiquer les informations pertinentes pour ces nouvelles générations.
Et puis bien évidemment, l’ESG plus que jamais, est le sujet phare de cette génération. Ils nous attendent à la fois sur la technologie, la transparence, le service et l’ESG.
Dans le dernier rapport de Barclays intitulé « Investing for Global Impact », nos grandes familles nous indiquent que ces questions sont devenues des sujets prépondérants et confirment qu’ ils ont commencé à allouer une part significative de leur patrimoine dans ces thématiques.
Recrutement et attractivité de la Place
De grands établissements de renom, avec beaucoup d’expertises, et d’équipes de qualité sont venus s’implanter à Monaco, ce qui rend la Place plus visible. Donc dans un sens, cela devient moins difficile qu’avant d’attirer les talents.
Chez Barclays, nous recrutons sur d’autres places européennes et en dehors de l’Europe. C’est une force, car cela apporte une nouvelle façon de travailler, de concevoir les choses. Cela nous permet aussi de nous remettre en question.
Mais nous avons encore beaucoup de travail à faire tous ensemble. Dans mon rôle de Responsable de la promotion de la place au sein de l’AMAF, c’est un sujet que nous avons mis à l’agenda et sur lequel nous allons œuvrer, car il est impératif pour notre Place d’attirer et de recruter des talents.
Pour ma part, il me semble que l’on cache encore trop nos capacités. A Monaco, nous avons pourtant un marché extraordinaire, avec des clients incroyables, une réelle dynamique, un Gouvernement très présent, une stabilité unique, un Souverain qui porte une réelle vision, et il faut que nous, acteurs de la finance, mettions en avant ces atouts.
Barclays et la finance bleue
Damian Payiatakis est le responsable de la durabilité au niveau de la banque privée – sustainable investing – et couvre la partie économie-finance bleue.
Nous avons 2-3 axes fondamentaux dans ce secteur :
Premièrement, dans toutes nos stratégies de gestion de mandat nous avons un biais « bleu ». Nous nous assurons ainsi de proposer des sociétés qui adressent ces sujets dans les portefeuilles des clients.
Au niveau du club d’investissement, là aussi nous avons assez souvent des sociétés ou des fonds qui ont une empreinte dans le bleu : un fonds dans l’aquaculture, une société dans le yachting, un additif pour optimiser la biodégradabilité des plastiques et réduire la pollution dans les océans.
Enfin, Damian travaille sur un programme de portefeuille d’actions en direct dans l’économie bleue.
Il y a donc trois sujets conséquents, avec une réelle applicabilité en matière d’investissement pour nos clients, et un dernier point et non des moindres qui est toute la partie recherche et analyse menée en partenariat avec la Blue Marine Foundation.
Nous sommes bien conscients que pour un quart de nos Family Offices, l’économie bleue est un élément important dans la façon dont ils veulent allouer la partie investissement à impact mais que nous n’en sommes qu’aux prémices. Nous avons donc également une responsabilité d’éducation à mener auprès d’eux sur ce sujet.
La Monaco Ocean Week est un moyen pour nous d’attirer l’attention sur les problématiques de la préservation des océans et de contribuer à éduquer à la fois nos collaborateurs, nos clients et la nouvelle génération qui est dans cette attente lâ.