S.E Mme Isabelle Berro-Amadei est une juriste accomplie. Elle a exercé les fonctions de Juge à Monaco, puis a été élue en 2006 à la Cour Européenne des Droits de l’Homme, où elle a été Présidente de section de 2012 à 2015. Premier juge monégasque à siéger au titre de la Principauté à Strasbourg, elle est aujourd’hui Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de S.A.S. le Prince Albert II de Monaco en Allemagne, Autriche et Pologne.
N’est-il pas trop difficile de quitter la fonction de Juge dans un environnement prestigieux – la Cour Européenne des Droits de l’Homme – pour devenir Ambassadeur ?
Les années en tant que Juge à la Cour Européenne des Droits de l’Homme ont été vraiment épanouissantes. Les droits de l’homme constituent le soubassement de toute l’action des juges, ils sont en filigrane de chacune de leurs décisions. Achever une carrière judiciaire en m’y consacrant à l’échelle de la « grande Europe » du Conseil de l’Europe a été une extraordinaire et magnifique expérience. Désormais en poste à Berlin, il m’est très agréable d’évoluer de nouveau dans un environnement international.
De Juge à Ambassadeur, le chemin n’est pas si éloigné.
Je me souviens qu’à la CEDH, il fallait user de beaucoup de diplomatie pour expliquer aux Etats les arrêts parfois impopulaires qui sont rendus contre eux !
Plus généralement, j’observe que toutes les questions sensibles qui agitent nos sociétés aujourd’hui sont également, sous de multiples aspects, discutées dans les enceintes multilatérales, abordées dans les relations bilatérales, tout comme elles sont soumises à l’examen de la CEDH.
Je retrouve également dans les fonctions d’Ambassadeur à Berlin un aspect plus personnel que j’ai apprécié à la Cour : l’échange des cultures et le partage des expériences, cet enrichissement humain qu’il m’est également permis d’avoir notamment auprès des 160 collègues Ambassadeurs en poste en Allemagne.
Comment travaillez-vous ?
Je suis Ambassadeur de Monaco pour l’Allemagne, l’Autriche et la Pologne et auprès des Organisations internationales à Vienne. Cette sphère élargie de compétences m’amène à déterminer des priorités dans mes actions. Pour l’Allemagne, la rencontre avec les six Consuls honoraires de Monaco dans leur Land a constitué l’une d’entre elles. Ces visites de terrain sont toujours très utiles pour développer nos contacts et envisager les potentialités de collaboration et d’échanges entre les deux pays.
En Autriche, je souhaite effectuer en novembre prochain une opération de promotion de la Principauté à caractère général, en fonction des attentes des Autrichiens. Nous présenterons à cette occasion les atouts de Monaco en ses divers aspects, économiques, financiers, touristiques, environnementaux.
En Pologne, j’ai rencontré cette année à Cracovie le Président de la Fondation Auschwitz-Birkenau, la Principauté étant membre du Comité international de cette Fondation.
Nous réfléchissons déjà, pour 2017, en collaboration avec le Consul honoraire sur place, aux actions que nous souhaitons mettre en œuvre dans ce pays.
Il est difficile d’être présente partout, mais je suis heureusement assistée par deux diplomates de grande qualité dont l’aide est très précieuse.
Vous vivez à Berlin. Comment la Principauté est-elle ressentie en Allemagne ?
Une image, qui se nourrit des habituels clichés, prédomine : la Principauté est encore - et malheureusement – synonyme de cherté, souvent de paradis fiscal, où seuls quelques privilégiés peuvent se rendre, ou bien résider. Pour autant, ceux qui connaissant bien Monaco évoquent d’autres aspects : la qualité de vie, la sécurité, la qualité des soins, le caractère cosmopolite et international, le respect que nous portons à l’environnement. Sans oublier l’excellence culturelle, tant il est vrai que les Ballets, l’Orchestre Philharmonique s’exportent extrêmement bien à l’étranger.
Je constate que la perception change dès lors que les personnes visitent le pays et prennent conscience de ses réalités : les Allemands qui viennent à Monaco et découvrent la Principauté telle qu’elle est sont ensuite nos meilleurs ambassadeurs dans leurs milieux.
Mon rôle est de juxtaposer les bonnes images aux préjugés encore tenaces. L’engagement du Prince à Monaco et sur la scène internationale en faveur de la protection de l’environnement m’y aide beaucoup : en effet, la voix du Souverain est une voix qui porte, et qui a une résonance toute particulière sur cette question à laquelle les Allemands et les Autrichiens sont très sensibles.
La Place financière monégasque est-elle connue à l’étranger ?
Concernant la perception de la Place financière, il y a selon moi encore un effort de communication à faire, mais nous sommes sur la bonne voie. En Allemagne par exemple, l’image s’est beaucoup améliorée depuis la visite du Prince Souverain à Berlin en 2008, et la signature en 2010 de l’accord d’échanges de renseignements en matière fiscale. Le processus continu dans lequel Monaco s’est engagé en faveur d’une politique active de transparence est un argument majeur pour rassurer et renforcer la confiance.
Il faut continuer de souligner, d’expliquer les atouts spécifiques de la Principauté, qui sont liés au pays lui-même : il est important de faire valoir la stabilité institutionnelle, l’absence de dette, de déficit, la qualité de la place financière dotée d’un cadre législatif et règlementaire précis. Nous disposons de nombreux professionnels qualifiés capables de satisfaire des clients exigeants, et dans beaucoup de domaines.
Nous devons absolument être identifiés comme un acteur sérieux, fiable et efficace.
Nous avons du savoir-faire, il faut le faire savoir, pour inciter les étrangers à s’intéresser davantage aux prestations que les banques et les sociétés de gestion peuvent proposer.