Rosa Sangiorgio est responsable ESG pour Pictet Wealth Management. Italienne, elle voyage entre Genève, Zurich, et de nombreux pays d’Europe pour sensibiliser à une politique d’investissement durable qu’elle n’envisage que sur le long terme.
En quoi consiste votre mission ?
Je veille à toute la chaine de valeurs des investissements responsables : de l’analyse de données à la construction de solutions d’investissement. Je travaille également sur la sensibilisation à l’investissement responsable en interne, avec nos clients, mais aussi après du secteur de l’industrie. Je fais partie de la Commission pour la finance durable de la Swiss Banking Association. J’ai réuni mes deux passions : la finance (j’ai été gestionnaire de Portefeuille jusqu’en 2011) et le désir de contribuer à créer un meilleur avenir pour tous.
Comment Pictet Wealth Management envisage-t-elle l’impact positif des investissements ?
Indépendant avec plus de 200 ans d’expérience, on peut dire qu’une vision à long terme caractérise Pictet.
Investir dans des entreprises qui travaillent autour de thématiques comme l’environnement et la santé est une des possibilités qui permet aux investisseurs de contribuer à la société et à la protection de la planète grâce à leur portefeuille. Pictet possède un track record particulièrement élevé dans les investissement thématiques, dans les compagnies cotées et dans le Private Equity. Un des premiers établissements à avoir travaillé sur le Private Equity pour la clientèle privée, nous avons une influence positive dans les sociétés où nous investissons et ce de manière directe. Dans ce but, nous établissons des relations de partenariat responsables avec nos clients et les entreprises dans lesquelles nous investissons.
L’active ownership est aussi très important chez nous. Nous croyons que l’impact positif est d’ores et déjà porté par de nouvelles compagnies, mais il sera aussi renforcé par des entreprises plus anciennes, qui vont évoluer et modifier leur façon de fonctionner. Nous nous engageons à les accompagner.
Les trois piliers de notre vision d’investissement responsable sont donc, notre vision d’investissements long terme, notre politique d’investissement, et enfin la force de notre engagement et politique de vote.
Que pensez-vous de la multiplicité des labels « Finance verte » ?
De notre côté, nous travaillons sur des données source liées aux entreprises, et nous les analysons : c’est long et coûteux, mais plus pertinent que de travailler sur des rankings, et nous avons les moyens d’intégrer cette complexité.
Les labels sont des outils de simplification de situations complexes : ils tentent de synthétiser un ensemble de points liés à la durabilité. J’apprécie l’effort de standardisation, mais la multiplicité des labels, et les différences entre eux, est parfois plus destructrice que constructive. Le doute s’installe…Les clients se méfient du greenwashing…
Est-il possible d’éviter cette défiance ?
Oui, et je reviens à notre vision à long terme. Prenons l’exemple des compagnies liées à l’énergie, exploitant le gaz ou le pétrole.
Elles ne sont pas toutes égales. Certaines de ces compagnies ont amorcé un virage qui leur permettra d’exploiter d’autres types d’énergies, beaucoup plus vertes : elles investissent dans la recherche, intègrent dans leurs services des experts de l’évolution climatique, diminuent fortement leur empreinte carbone. Les exclure toutes dans nos portefeuilles n’est pas nécessairement la solution idéale. Il faut les accompagner, intégrer leur compétence dans la distribution de l’énergie, pour une transition rapide vers une économie plus résiliente et plus durable.
La finance d’impact est essentiellement appréciée par vos jeunes clients ?
La clientèle jeune est très sensibilisée, mais aujourd’hui des clients de toute génération s’intéressent à la finance durable.
Certains raisonnent en termes de responsabilité environnementale uniquement. D’autres sont passionnés d’innovation, et se tournent vers des entreprises nouvelles, porteuses de solutions à l’application parfois très rapide dans un contexte critique, comme celui de la crise mondiale de l’eau.
D’autres réalisent que la règlementation est en train de se resserrer, et que les entreprises polluantes devront investir, financer des experts, mettre en place des procédures, cela aura forcément un impact sur leurs performances…sans compter le coût réputationnel, et la mauvaise réputation de la marque-employeur.
Un mot de conclusion ?
Les acteurs du changement sont nombreux : actionnaires, investisseurs, gouvernements.
Aujourd’hui, le dialogue est difficile entre activistes du climat et chefs d’entreprises perdus. Nous avons besoin d’un approche constructive. Le travail de la Fondation Albert II, qui crée des ponts entre finance et philanthropie est un excellent exemple de ce qu’il faudrait faire…