Pierre-André Chiappori, Conseiller de Gouvernement-Ministre des Finances et de l'Économie de la Principauté de Monaco, s’est exprimé le 22 octobre dernier lors d’un déjeuner-conférence organisé par l’AMAF. Il a abordé les défis posés par la fin du programme d'extension en mer, les relations avec l’Union européenne, et le plan d’action GAFI. En parallèle, il a mis en avant les opportunités de développement pour Monaco dans un contexte d’instabilité internationale.
Lors de son intervention, Pierre-André Chiappori a présenté un panorama global de la situation économique de la Principauté de Monaco, soulignant les performances économiques récentes du pays, très satisfaisantes. Monaco a en effet enregistré, sur les huit dernières années, des taux de croissance supérieurs à ceux de la zone euro. Toutefois, il a insisté sur le fait que ces chiffres impressionnants sont en partie le résultat de circonstances exceptionnelles, et qu'il est prudent de s'attendre à un ralentissement dans les années à venir. "Le niveau de croissance que nous avons eu au cours des dernières années ne pourra pas être reproduit dans le futur proche", a-t-il déclaré, rappelant que son rôle est de rester vigilant et d’anticiper les actions à conduire en cas de crise. La situation budgétaire actuelle de Monaco, est « très saine ». Le pays présente un excédent budgétaire notable et dispose d’un fonds de réserve conséquent, dont la partie liquide correspond à environ une année de budget. Cette situation place la Principauté dans une position enviable, surtout en comparaison avec d'autres pays européens. "Nous n'avons pas de dette, et notre fonds de réserve est un gage de stabilité dans un monde en perpétuelle mutation", a-t-il précisé. Il a cependant attiré l’attention des présents sur la fin imminente du programme d'extension en mer, qui a généré des recettes significatives pour Monaco. "Avec la fin de ce programme, nous perdrons une source de revenus de 200 millions d'euros par an, ce qui représente environ 10 % du budget de l'État."
Le Ministre a également mis en évidence de quelle façon les signes de ralentissement économique mondial pourraient affecter Monaco. Bien que la Principauté ait des fondamentaux solides, le chiffre d'affaires généré par les entreprises opérant dans le secteur immobilier, et celui de leurs sous-traitants, pourraient être impactés à court terme. Pierre-André Chiappori a rassuré son auditoire en rappelant que "cela fait partie des fluctuations normales dans une économie de marché", mais a insisté sur la nécessité d’adopter une approche prudente et d’anticiper le futur.
Un autre point majeur de son discours a concerné la vraisemblable baisse prochaine des taux d'intérêt à l'international, une tendance qui pourrait avoir des effets limités sur l'économie monégasque. "Contrairement à d'autres économies, la baisse des taux n'aurait probablement qu'un impact mineur sur Monaco, notamment dans le secteur immobilier où la demande est moins influencée par les taux d'intérêt ", a-t-il précisé. Néanmoins, cette baisse pourrait peser sur les bénéfices des banques, et par conséquent sur les recettes fiscales générées par ces dernières, qui ont représenté plus de la moitié de l’ISB en 2023.
Le Ministre a aussi abordé les récentes évolutions réglementaires, dans le contexte Moneyval, un sujet crucial pour l'attractivité de Monaco. Les exigences de conformité, notamment en matière de lutte contre le blanchiment d'argent, se sont renforcées à tous les niveaux. La conformité est de mise et ne doit pas être un frein au développement des entreprises. "L'excès de prudence des banques, bien que compréhensible, a un coût économique important, notamment pour les entreprises cherchant à s'implanter à Monaco", a-t-il affirmé. Il a souligné l’importance d’ouvrir de nouveaux comptes. « Cette question est régulièrement discutée au sein du gouvernement et avec le Conseil national ». Il a appelé à une collaboration étroite avec le secteur bancaire pour trouver des solutions permettant de préserver à la fois la sécurité et l'activité économique.
En ce qui concerne les relations avec l’Union européenne, Pierre-André Chiappori a tenu à dissiper les craintes. Monaco n'a pas abandonné les négociations avec l'UE, mais a marqué une pause. "Nous continuons à discuter quotidiennement avec nos interlocuteurs européens sur des sujets importants", a-t-il précisé. Les négociations avaient été rendues plus complexes par la sortie du Royaume-Uni de l'UE, un événement qui a freiné la volonté de l'Union de conclure des accords avec de petits États. In fine, Pierre-André Chiappori s'est montré confiant quant à la poursuite de ces discussions.
Enfin, les défis liés à la conformité avec les standards internationaux en matière de lutte contre le blanchiment et la fraude fiscale ont été abordés. La Principautéa fait des progrès significatifs en adoptant plusieurs réformes législatives majeures et en renforçant ses institutions de contrôle. "Nous avons encore du chemin à parcourir, mais les avancées réalisées sont déjà considérables. Notre objectif est de sortir de la liste grise d'ici juin 2026", a déclaré le Ministre, rappelant les actions déjà menées : les nouvelles lois anti-blanchiment, la réorganisation de l’Autorité de contrôle, avec la création de l’AMSF en lieu et place du SICCFIN. Il a souligné le timing favorable et l'importance de maintenir ces efforts à long terme : « le monde de règlementations solides et exigeantes est là pour longtemps, nous devrons sans cesse nous adapter aux évolutions règlementaires ».
Enfin, Pierre-André Chiappori a mis en lumière les opportunités offertes par les réformes fiscales internationales, notamment celles en cours au Royaume-Uni. Avec la modification du régime fiscal des résidents non domiciliés, notre pays pourrait devenir une destination attractive pour certains d'entre eux. "Monaco a des atouts indéniables, et si nous parvenons à attirer ne serait-ce que 5% des investisseurs concernés, cela représenterait un apport considérable pour notre économie", a-t-il expliqué. « Cependant, pour capter ces nouvelles opportunités, il est impératif de faciliter les démarches administratives et l'accès aux services bancaires. »
En conclusion, Pierre-André Chiappori a rappelé combien, malgré les défis à venir, Monaco est bien positionnée pour maintenir sa stabilité financière et tirer parti des évolutions internationales. Il a invité les différents acteurs économiques à collaborer étroitement avec le gouvernement, pour favoriser la croissance économique de la Principauté dans un environnement mondial en perpétuelle mutation.