Le Comité Français d’Organisation et de Normalisation Bancaire organisait, le 6 novembre dernier à Monaco, ses rencontres annuelles sur le sujet « Les nouvelles formes de fraude ». Nous avons rencontré l’un des intervenants, M. Christian Lothion, Directeur du département Sécurité et Conseiller "Sécurité" à la Fédération Bancaire Française, ancien Directeur central de la Police Judiciaire.
Né à Vouvray en 1952, Christian Lothion a fait toute sa carrière dans la police judiciaire, dont il est devenu le directeur central en 2008. En 1980, il est chef du groupe de répression du banditisme à Nice, ce qui explique sa parfaite connaissance de la Riviera. Après avoir évoqué les points noirs de la sécurité physique de l’environnement bancaire, il prévient contre un autre type de délinquance.
C.L : Premier point noir : les vols à main armée. C’est une infraction qui a baissé ces dernières années : on en dénombrait 8000 en 1986 toutes victimes confondues, et environ 2300 à fin septembre de cette année.
En ce qui concerne les banques, la baisse est encore plus spectaculaire : 2185 en 1986 contre 32 l’an dernier. Cela est en partie dû aux équipements renforcés, mais aussi au fait que contrairement à ce qui existait auparavant avec les caissiers, il n’y a désormais plus de cash immédiatement accessible aux guichets.
De même les prises d’otages, autrefois nombreuses et particulièrement traumatisantes, se raréfient, les dernières remontant à 2013.
Le Distributeur Automatique de Billets est donc devenu logiquement la cible privilégiée des malfaiteurs qui utilisent principalement deux méthodes pour tenter de s’emparer du contenu des DABs : l’agression du prestataire chargé de l’alimentation ou l’attaque du DAB lui-même.
Dans le premier cas, les malfaiteurs vont agresser le prestataire ou dabiste au moment où il effectue l’approvisionnement du distributeur à l’intérieur de l’enceinte technique sécurisée. Les malfaiteurs interviennent principalement avec des voitures béliers, lancées contre la porte du local technique. Lorsque celle-ci cède, ils menacent le dabiste avec des armes et s’emparent du contenu du DAB . Des mesures de protection renforcée des enceintes techniques sécurisées ont été prises par les établissements bancaires en étroite collaboration avec le Ministère de l’Intérieur, ce qui a eu pour conséquence la baisse du nombre d’attaques (49 faits en 2011, 8 au 31/10/2015).
Dans le second cas, l’attaque du DAB se produit la nuit, plutôt dans des zones rurales, les malfaiteurs arrachant les distributeurs au moyen d’engins de chantier ou en les faisant exploser sur place avec des mélanges gazeux ou de l’explosif pour s’emparer des cassettes contenant les espèces. Après un pic au cours de l’année 2013 (217 attaques), les chiffres se sont stabilisés à un peu plus d’une centaine de faits par an, dont environ 70 % d’échecs. Mais les dégâts immobiliers sont souvent considérables.
Pour lutter contre ce type de délinquance, le Ministère de l’Intérieur a décidé, en accord avec la Fédération Bancaire Française, l’installation de dispositifs de maculation à l’intérieur des DABs afin de rendre en cas d’attaque les billets« impropres à leur destination ». Les attaques de Dabs sont généralement le fait de malfaiteurs liés à la délinquance itinérante et plusieurs équipes ont été démantelées par les services de police et de gendarmerie.
Autre type de délinquance, qui n’implique pas la sécurité physique cette fois : les malfaiteurs se font passer pour quelqu’un qu’ils ne sont pas auprès de personnes pouvant passer un ordre de virement. C’est l’escroquerie aux faux ordres de virements internationaux dont « l’Escroquerie au Président » est la plus connue.
Les escrocs effectuent un gros travail en amont pour se renseigner sur l’entreprise et mieux connaître la personne auprès de laquelle ils vont tenter l’escroquerie ; rarement le directeur financier, plutôt le N-2 ou N-3. Le but : faire exécuter un ou plusieurs ordres de virement très souvent supérieurs à 100 000 euros.
Le malfaiteur se fait passer pour le PDG de la société, son avocat, le dirigeant d’une filiale à l’étranger… , évoque un contrôle fiscal, un problème quelconque, une OPA, une circonstance qui met la personne ciblée en situation de faire quelque chose qu’elle ne devrait pas faire naturellement : un virement. Lorsque celle-ci est convaincue de le faire, ET EN EXIGEANT D’ELLE UNE ABSOLUE DISCRETION, on lui donne un numéro de compte. Les virements passent par des banques de rebond en Pologne, en Bulgarie, en Tchéquie…, puis repartent vers la Chine. Les réseaux criminels impliqués sont souvent israéliens ou franco-israéliens.
Autre forme de faux ordres de virement internationaux : le faux changement de domiciliation bancaire. Les escrocs se font passer pour un fournisseur et informent l’entreprise cliente d’un changement de domiciliation bancaire en utilisant souvent pour envoyer le nouveau RIB une adresse mail similaire à celle du fournisseur avec une modification imperceptible (un point remplacé par un tiret par exemple). Il ne reste plus aux escrocs qu’à attendre que le (vrai) fournisseur adresse ses (vraies) factures à l’entreprise cible qui effectuera les virements sur le compte ouvert par les escrocs…. Le temps que les vrais fournisseurs réagissent et relancent leurs propres factures… Il est trop tard !
Ces deux dernières escroqueries sont réalisées par des réseaux internationaux de professionnels, qu’il est très difficile de maîtriser et de démanteler. Les informations qu’ils peuvent glaner sur les réseaux sociaux concernant tel ou tel personnage-cible facilitent leurs démarches.
Le seul moyen de lutter : observer la plus grande prudence…