La loi 1.515 du 23 décembre 2021, issue du projet de loi 1.035 et portant modification de la loi 1.338 du 7 septembre 2007 sur les activités financières en Principauté, est entrée en vigueur le 7 janvier 2022.
Cette réforme s’inscrit dans le cadre du projet d’obtention par la Commission de Contrôle des Activités Financières (CCAF) du statut de membre ordinaire de l’Organisation Internationale des Commissions de Valeurs (OICV).
A l’occasion de la parution de Monaco for Finance 2021, nous nous étions intéressés aux dispositions du projet de loi 1.035 portant sur la commercialisation des services et produits financiers en Principauté.
Rappelons qu’historiquement, ces règles reposent sur le monopole octroyé aux sociétés agréées par la Commission de Contrôle des Activités Financières (CCAF) pour exercer une activité financière en Principauté, lequel a pour corollaire l’interdiction stricte de commercialisation directe de produits financiers par des entités non-agréées.
Mais alors que le projet de loi 1.035 prévoyait uniquement une interdiction de démarchage par des sociétés non-agréées auprès de « personnes physiques non-professionnelles » ; la loi 1.338, telle que modifiée par la loi 1.515, lui confère un champ d’application bien plus large, renforçant ainsi très largement la protection des sociétés agréées.
Un monopole des sociétés agréées ne souffrant d’aucune exception
L’alinéa 1er de l’article 29 de la loi 1.338, tel qu’issu de la réforme, stipule que « Sont interdites aux sociétés non agréées au titre de la présente loi, les démarches, sollicitées ou non, visant à proposer, quel que soit le lieu ou le moyen utilisé, des services ou produits financiers. »
Peu importe donc que le client potentiel soit personne physique ou une personne morale, un professionnel ou non.
Cette disposition a pour effet d’introduire dans le corpus juridique monégasque l’interdiction de commercialisation de services ou de produits financiers par des sociétés non-agréées, laquelle était auparavant uniquement mentionnée sur le site de la CCAF.
Cette interdiction, telle qu’elle résulte de la réforme, ne semble souffrir aucune exception tant son champ d’application est large.
En effet, les notions de « sollicitation » et de « produits financiers » ne sont pas définies en droit monégasque, ce qui – dans l’attente de précisions éventuelles – invite à la plus grande prudence.
Surtout, l’interdiction « quel que soit le lieu où le moyen utilisé » des démarches visant à proposer des services ou des produits financiers confère aux autorités monégasques une grande marge de manœuvre pour lutter contre la sophistication de certaines pratiques abusives.
En effet, la nouvelle rédaction appréhende les effets de la globalisation des marchés, des nouveaux moyens de communication et du développement du commerce électronique, qui rendent la protection des investisseurs, particulièrement les investisseurs inexpérimentés, de plus en plus complexe.
A noter que le champ d’application de l’article 29 est tellement large que l’interdiction trouverait à s’appliquer, en adoptant une interprétation littérale du texte, aux situations dans lesquelles une entité non-monégasque solliciterait ou se verrait solliciter par un acteur financier agréé en Principauté pour des services ou produits – ce qui pourrait impacter les relations transfrontalières entre acteurs financiers.
Ce d’autant plus que la violation du dispositif s’accompagne de nouvelles sanctions prévues à l’article 46 de la loi 1.338, modifiée par la loi 1.515, qui prévoit dorénavant que « Sont punis d'un emprisonnement de un à cinq ans et de l'amende prévue au chiffre 4) de l'article 26 du Code pénal dont le maximum peut être porté jusqu’au triple ou de l'une de ces deux peines seulement : [...] 4°) toute personne qui, en violation des dispositions de l’article 29, procède ou fait procéder à des démarches, ou fait insérer des mentions publicitaires prohibées. »
…qui devrait porter un coup d’arrêt à la pratique controversée de la « reverse sollicitation »
La « reverse sollicitation » (sollicitation inversée), également appelée « marketing passif », désigne, de façon schématique, les circonstances dans lesquelles un client potentiel approche un établissement financier, exclusivement de sa propre initiative, en vue de souscrire un produit ou un service financier.
En Principauté, aucun texte n’encadrait l’utilisation de la sollicitation inversée dans les situations où un investisseur monégasque venait initier directement la relation d’affaires avec une entité non-monégasque sans démarche commerciale de cette dernière.
En visant les démarches « sollicitées ou non », la nouvelle rédaction de l’article 29 semble interdire purement et simplement l’utilisation de la sollicitation inversée en droit monégasque.
Cela traduit une préoccupation légitime. Il ne fait nul doute que la sollicitation inversée a donné lieu à des pratiques abusives d’acteurs financiers implantés dans des pays tiers, ayant pour seul objet de contourner les règles monégasques de commercialisation de services ou de produits financiers.
Au niveau de l’Union européenne, la problématique est plus que jamais d’actualité, avec par exemple la dénonciation par l’ESMA de l’utilisation de la sollicitation inversée comme moyen de contournement des dispositions de MIFID II, notamment dans le contexte post-Brexit.
Reste que si la nouvelle rédaction de l’alinéa 1er de l’article 29 consacre le refus de faire exception au monopole des sociétés agréées, cette solution, à défaut de clarifications, pourrait fragiliser les relations entre les résidents monégasques et les acteurs financiers non-monégasques.