En Février 2013, Régis Asso est nommé Directeur de la Sûreté publique monégasque. Sa carrière de commissaire divisionnaire à Nice, puis à Cannes, l’a amené à être en première ligne sur des évènements majeurs : Sommets des Chefs d‘État Européens, Sommet de l’OTAN, G20, Sommet France-Afrique. Il nous livre sa vision de la Sûreté publique en Principauté de Monaco.
Quelles sont les origines de la Direction de la Sûreté publique ?
Elle a été créée par une Ordonnance Souveraine du 23 juin 1902. Ce nouveau service de l’Etat était commandé par un directeur exerçant ses fonctions sous l’autorité immédiate du Gouverneur Général, qui avait sous ses ordres un Commissaire central de police, un Commissaire, un Chef de la Sûreté, des Commissaires ordinaires et des Agents de police. En 100 ans, cette Direction n’a cessé de renforcer son effectif qui, en 2015, atteint 525 (policiers en civil, en tenue d’uniforme et employés administratifs).
La Sécurité est-elle une priorité de l’action du Gouvernement Princier ?
Oui, pour le Gouvernement Princier, la sécurité est bien évidemment une priorité essentielle à l’attractivité du territoire. Elle est un préalable indispensable à l’offre d’une haute qualité de vie sur un territoire de 2 km², accueillant une population de près de 37 .000 habitants, répartie en 134 nationalités, dont 8 800 Monégasques.
Les 525 fonctionnaires et agents de l’Etat de la Direction de la Sûreté Publique, répartis en cinq divisions, – la Division de police urbaine, la Division de police judiciaire, la Division de police administrative, la Division de Police maritime et aéroportuaire et la Division de l’administration et de la formation –, sont chargés d’assurer cette mission régalienne de première importance.
Comment s’effectue la répartition des missions entre les services ?
La Police Urbaine veille à la sécurisation du territoire, à la lutte contre la délinquance de voie publique et à la gestion des nombreux services d’ordre liés aux différentes compétitions sportives et aux évènements culturels de prestige international organisés en Principauté.
La lutte contre l’insécurité routière correspond également à une attribution importante. Elle se traduit par l’action de verbalisation classique des infractions au Code de la route commises par les automobilistes ou les conducteurs de deux-roues, mais aussi par de nombreuses campagnes de prévention, notamment dans les lycées et les collèges.
La Police Judiciaire mène des missions d’investigations, en établissant les procédures faisant suite aux éventuelles infractions à la loi pénale commises à Monaco. Elle s’appuie sur une unité de police scientifique et technique qui procède à tous les relevés de traces et d’indices pour faciliter l’identification des auteurs.
Elle travaille en étroite liaison avec de nombreuses polices étrangères dans le cadre d’une mission permanente de coopération internationale assignée à la Direction de la Sûreté publique, en raison de la spécificité géographique de Monaco.
La Police Administrative veille à l’application de la réglementation relative à l’entrée et au séjour des étrangers sur le territoire de la Principauté. Elle diligente également des enquêtes dans le cadre des procédures d’embauche, d’agrément et de contrôle de certaines activités économiques soumises à un régime d’autorisation ou de déclaration préalable. Elle intègre également la Brigade des mineurs en charge, notamment, de prévenir auprès des collégiens et des lycéens les conduites addictives.
La Police Maritime et Aéroportuaire a pour mission la sécurité et la tranquillité des ports, la surveillance des eaux territoriales, des plages, le sauvetage maritime et le contrôle de l’activité héliportuaire. Elle assure également la mission de contrôle aux points frontières de l’espace Schengen que constituent la gare maritime et l’héliport de Monaco.
Enfin, la Division de l’Administration et de la Formation veille au recrutement, aux formations initiale et continue, ainsi qu’au suivi de l’évolution de la carrière des personnels, élabore le budget et gère la douzaine de réseaux de télécommunications et de télésurveillance urbaine.
L’impact de la vidéo-protection dans la lutte contre la délinquance à Monaco
Dès 1980, Monaco a été précurseur dans l’utilisation des moyens de surveillance vidéo. Actuellement, 615 caméras sont installées sur 2 km² et confortent le travail quotidien des policiers sur le terrain. Le Poste de commandement et de transmissions opérationnelles coordonne l’activité des patrouilles sur la voie publique en utilisant en permanence ce support technique. Il gère, à partir des appels sur le « 17 », les missions de Police secours. Enfin, les dispositifs de vidéo contribuent, dans une large mesure, à identifier des personnes ayant commis des infractions et à retrouver des preuves nécessaires à l’élucidation d’enquêtes judicaires. C’est à la fois un moyen de dissuasion et de prévention.
Quels sont vos rapports avec la Justice ?
A Monaco, les rapports entre la police et la justice sont excellents. Une vraie réponse est apportée aux enquêtes dès lors que la responsabilité pénale d’une personne est démontrée. Les décisions judiciaires sont empreintes d’une certaine sévérité dans le souci d’une dissuasion efficace à l’égard de ceux qui se rendent coupables d’infractions à la loi pénale, mais elles sont équilibrées et adaptées. L’engagement de l’autorité judiciaire s’inscrit dans la logique de l’action prioritaire de l’Etat dans le domaine de la sécurité.
Le fait d’avoir une police très présente est-il bien accepté de la population ?
La Principauté bénéficie d’une police visible, bien équipée, efficace et respectée.
La présence policière est sectorisée depuis 2 ans et couvre tous les quartiers de la Principauté. Ce dispositif de proximité, qui vise à fidéliser certains effectifs sur les mêmes secteurs, a pour conséquence de mieux responsabiliser les gradés en charge de patrouilles de sécurisation. La population est consciente d’une présence policière plus dense qu’ailleurs et le lien Police/Population contribue à développer un vrai sentiment de sécurité qui correspond à un concept tangible. De fait, il y a une réelle reconnaissance du travail de la police. Toutefois, rien n’est acquis dans ce domaine et il convient de maintenir, pour tous les services, une vigilance de tous les instants.
La coopération internationale est aussi très importante ?
Effectivement, Monaco s’enrichit des relations avec les pays voisins. L’an dernier, la Principauté a organisé la 83ème Assemblée générale d’Interpol à Monaco : 90 Ministres de l’Intérieur, 1 600 délégués et accompagnateurs représentant plus de 160 pays ont été réunis sur le sol monégasque pour permettre aux services de police de confronter leurs expériences et de coordonner leurs actions dans un contexte international tendu, en raison du développement du terrorisme. Il s’agissait également pour Interpol de commémorer le 100ème anniversaire de la coopération internationale policière, qui avait été initiée, à Monaco, le 14 avril 1914, par le Prince Albert Ier. Ce Souverain visionnaire avait rassemblé, à cette date-là, le premier congrès de police judiciaire international regroupant 27 pays.
Interpol est l’organisation internationale, non gouvernementale, qui réunit le plus d’Etats au monde. Ce dispositif de coopération aboutit à des actions opérationnelles efficaces dans la mesure où la police de Monaco est en lien permanent avec les autres polices du monde grâce aux bases de données informatiques d’Interpol, dont le système de transmission fonctionne 24 heures sur 24. Cette coopération est d’autant plus importante que Monaco accueille des résidents issus de nombreuses nationalités.
Pouvez-vous nous parler de la délinquance financière ?
Monaco attire une population choisie. La prospérité économique de Monaco justifie pleinement l’existence, au sein de la Division de police judiciaire, d’une Section économique et financière très structurée, afin d’identifier et de neutraliser les auteurs d’infractions spécifiques telles que les escroqueries, les abus de confiance.
La coopération des services de police avec l’Association Monégasque des Activités Financières (A.M.A.F.) est importante. Elle permet de diffuser des informations soit vers les professionnels de la finance, soit même vers les particuliers. Actuellement, l’accent est mis sur la lutte contre les falsifications d’adresses dans certains virements bancaires. Ainsi, des échanges de qualité noués avec les organismes financiers sont de nature à mieux juguler les circuits de circulation d’argent non conformes et les mouvements de fonds suspects. Dans ce cadre, la Section économique et financière est en relation permanente avec le Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers (S.I.C.C.FIN).
Enfin, la lutte contre la cybercriminalité correspond aussi à un nouvel objectif fixé à cette unité d’investigation qui a besoin de la coopération des établissements financiers, en raison de la complexité des systèmes informatiques et de l’ingéniosité de certains délinquants.
Une conclusion ?
Depuis 2 ans, une baisse substantielle de la délinquance générale et de la délinquance sur la voie publique est enregistrée grâce aux efforts fournis par toutes les composantes de Sûreté publique, mais aussi, en raison des nombreux partenariats engagés avec les acteurs de la société civile. La collaboration ancienne qui a été développée avec l’A.M.A.F. est un exemple pertinent d’une action commune aboutissant à une lutte plus efficace contre la délinquance. Bien que la Principauté de Monaco ne soit pas particulièrement exposée, il convient, dans un contexte international difficile, de s’assurer de la mobilisation de tous afin de maintenir un haut niveau de sécurité, auquel la population est particulièrement attachée.