M. Jean CASTELLINI, Conseiller-Ministre de l’Économie et des Finances, fait un tour d’horizon de l’année 2021 et du premier trimestre 2022, entre crise du COVID, exposition universelle à Dubaï, conflit russo-ukrainien… La Place résiste, et affiche résolument ses ambitions de Place financière responsable.
La conjoncture est difficile, marquée par la pandémie puis le conflit russo-ukrainien. Comment se porte l’économie monégasque ?
Bien. Nous constatons le retour à l'excédent budgétaire dès 2021, après une année 2020 exceptionnelle qui avait été marquée par un déficit de clôture de l'ordre de 103 millions d’euros. L’excédent 2021 de 8 millions d’euros témoigne d’une forte reprise de l’activité, d’une saison estivale émaillée de grands évènements en tourisme d’affaires dont le Monaco Yacht Show. En 2022, on note un très bon premier trimestre avec la réouverture du Terminal 1 de l’Aéroport de Nice facilitant la venue des touristes d’affaires et privés, une activité de congrès dense, trois grands prix automobiles et un pilote monégasque en grande forme, ce qui ne manquera pas de renforcer l‘affluence du Grand Prix de F1 !
Le soutien du gouvernement à l’économie monégasque a positivement marqué les esprits…
Les pouvoirs publics, les services de l'administration en concertation avec le Conseil National ont élaboré les différentes mesures du Plan de relance, dont les plus significatives : le Fonds vert national et son soutien à l'acquisition de véhicules électriques, le Fonds bleu et l’aide à la transition numérique soutenue sur fonds publics par le gouvernement, et le fonds rouge et blanc, dédiés aux commerçants, avec l'application Carlo qui compte désormais plus de 400 adhérents.
Néanmoins le conflit russo-ukrainien fait peser de des incertitudes évidentes sur la conjoncture mondiale ?
Nous devrons suivre l'inflation de très près, ainsi que les fluctuations de coûts d'un certain nombre de matières premières qui deviennent à la fois plus rares et plus chères. Nous y sommes particulièrement attentifs du fait de l'importance du secteur de la construction et du bâtiment à Monaco, qu’ils s’agissent de chantiers privés ou publics comme le Plan national pour le logement des Monégasques. Nous voulons dans la mesure du possible nous assurer que les délais seront tenus et les coûts maîtrisés, mais une incertitude liée à la situation macro-économique ne peut être niée.
Cependant, les échanges économiques entre la Principauté et la Fédération de Russie ne sont pas à des niveaux comparables à ceux que peuvent connaitre de grands partenaires de l'Union européenne. Ces échanges ralentis ou impossibles n’affectent pas significativement notre balance commerciale. Il conviendra néanmoins de rester attentifs aux limites de circulation pouvant affecter certains ressortissants russes ne résidant pas à Monaco. Elles pourraient avoir un impact sur le tourisme en Principauté.
Monaco et les Émirats Arabes Unis, ont signé le 13 novembre 2021, lors de la journée nationale monégasque à l’Exposition Universelle de Dubaï, une Convention fiscale bilatérale. De quoi s’agit-il ?
La coopération fiscale au niveau international peut intervenir sous deux formes et de deux manières : les accords d'échanges d'informations et les accords de non double imposition.
Après avoir montré notre coopération dans le domaine fiscal avec les premiers, nous proposons parfois les seconds pour développer les échanges économiques.
Les premiers fixent un cadre qui sert à échanger des informations historiquement « sur demande ». Depuis 4 ans la Principauté a rejoint cet effort international en complétant le dispositif par le recours à l'échange automatique d'informations.
Par ailleurs, la Principauté a signé un nombre important de conventions au niveau multilatéral, des traités avec l'OCDE, avec l'Union européenne, qui permettent de fluidifier les échanges : les accords de non double imposition. Le cadre bilatéral est parfois un moyen de les encadrer de manière plus particulière en fonction des spécificités des pays signataires : c’est dans cet esprit qu’a été signée le 13 novembre 2001 la convention que vous évoquez.
Son intérêt est essentiellement économique ?
Nous souhaitons faciliter les échanges économiques entre certains pays des Émirats Arabes Unis et la Principauté. Un accord de non double imposition doit permettre à une entreprise qui est active dans l'un et ou l'autre des 2 pays de bénéficier d’une fiscalité unique et de ne pas se retrouver indûment pénalisée dans son pays d'origine ou par le pays de destination. Notre convention complète le volet très culturel qu’a incarné le Pavillon de Monaco à l’Exposition Universelle de Dubaï par un volet plus économique et financier, pour inciter les investisseurs dubaïottes à échanger, commercer ou investir à Monaco.
En octobre dernier, au Ministère d’État, s’est tenue la 3ème réunion du groupe de travail Monaco Finance Durable, que vous présidez. Peut-on faire un point sur l’activité de ce groupe de travail ?
Cette initiative comprend deux volets : l’un appartient aux pouvoirs publics et se matérialise notamment à travers la gestion du Fonds de réserve constitutionnel ; l’autre relève du privé, l'implication et le soutien de l’Association Monégasque des Activités Financières (AMAF) est évidemment un critère indispensable de réussite.
Sur le premier point, nous avons continué à renforcer les placements durables du fonds de réserve. C’est une évolution naturelle, volontariste, que nous avons d’ailleurs complétée par des placements dans l’économie bleue en totale cohérence avec les actions de la Fondation du Prince Albert II. Nous investissons dans les domaines de la recherche, de l’innovation, dans une démarche privilégiant les fonds de Private Equity, en espérant que nous bénéficierons un jour directement de ces technologies.
Par ailleurs, les pouvoirs publics et privés coopèrent et suivent un certain nombre d'objectifs qui se déploient au fur et à mesure.
Lesquels ?
Tout d’abord la désignation au sein des entités membres de l’AMAF d'un correspondant ESG. C’est un premier pas indispensable pour la crédibilité de la démarche durable au sein de la Place bancaire et financière monégasque.
L'étape suivante est la définition d’un plan de formation. Après la certification professionnelle pour valider des acquis techniques, la formation liée à la confidentialité, la certification conformité liée à la lutte anti-blanchiment, nous souhaitons construire une forme de certification ESG. Les clients de la Banque Privée particulièrement les jeunes interlocuteurs maîtrisent ces sujets, et la Place doit être en mesure de répondre à leurs attentes.
Nous travaillons également sur la définition de critères de reporting ESG. Des instruments de mesure simples qui permettent d’estimer concrètement l’impact des placements, soit en tonnes de CO 2, en milliers de litres d’eau économisés, en tonnes de déchets non produits…je suis confiant dans la capacité de la Place à les mettre en œuvre, d’autant plus que les maisons mères de nos banquiers monégasques les utilisent déjà.
Enfin, nous souhaitons initier des conférences internationales comprenant à la fois un volet économique et un contenu académique significatif en matière de recherches scientifiques.
Une conclusion ?
Monaco finance durable concerne les établissements financiers et les placements, mais cette préoccupation doit être beaucoup plus globale. Les entreprises monégasques qui adhèrent au Pacte pour la transition énergétique doivent elles aussi appliquer des politiques durables au quotidien.