Jean Castellini, Conseiller de Gouvernement-Ministre des Finances et de l’Économie, revient sur la gestion de la crise du COVID-19 à Monaco, qui peut s’apparenter à un stress-test réussi. Sur des bases solides, la Principauté continue de construire son futur.
Comment la pandémie a-t-elle été gérée à Monaco, au niveau économique ?
Nous avons réagi très vite. En accord avec le Gouvernement Princier, l’Association Monégasques des Activités Financières (AMAF) et l’Ordre des Experts-Comptables de Monaco (OECM,) des dispositifs d’aides financières adaptées aux entreprises impactées économiquement par la crise du COVID-19 ont été déployés dès le mois de mars.
Le Gouvernement Princier a rapidement mis en place un Fonds de Garantie, un dispositif (adapté à la situation d’urgence) de crédits de trésorerie et d’autorisations de découverts accordés par les établissements bancaires aux commerçants, artisans et entreprises, bénéficiant de la garantie de l'État à 100% donc sans risque pour les banques, et à taux zéro pour les emprunteurs. 50 millions d’euros ont ainsi été prêtés.
Y-a-t-il eu d’autres offres de prêts ?
Oui, depuis le 1er juillet, nous avons mis en place un nouveau dispositif de prêts d’accompagnement à la reprise d’activité, bénéficiant de la garantie de l'État à hauteur de 65 %, les banques devant solliciter une garantie de l'emprunteur pour les 35% restant. Par ailleurs, une bonification des intérêts à hauteur de 0,75% sera toujours prise en charge par l’État.
Malgré la violence de la crise, avez-vous des motifs d’être rassuré ?
Si la crise de 2008 avait mis en exergue les risques systémiques que les banques faisaient peser sur l’économie, aujourd’hui l’industrie bancaire est assainie. Le secteur bancaire en Principauté est motivé et performant. Il a démontré sa capacité à soutenir l’ensemble des acteurs économiques (entreprises commerçants, indépendants) et pas seulement les clients de la banque privée. L’excellente coopération entre les services de l’État, l’AMAF et les banques, dans le meilleur intérêt des clients, est à souligner.
A quoi attribuez-vous cette bonne gestion de crise ?
En raison du bon fonctionnement de nos institutions.
Le Gouvernement, avant de mettre en œuvre les mesures de soutien et d’accompagnement aux acteurs économiques, a évidemment obtenu l’approbation du Souverain et de Son Cabinet, et ce sur une base très régulière.
Le Conseil National a voté au tout début de la pandémie un premier budget rectificatif donnant aux services de l’État les moyens de faire face à la crise.
La mise en place du Comité Mixte de Suivi a ensuite permis le partage des actions du Gouvernement avec les élus des Monégasques.
Quant aux relations avec les professionnels, au premier rangs desquels la FEDEM, la Chambre Patronale du Bâtiment, l’UCAM et l’AIHM, elles ont été marquées par la consultation préalable, et ont donc recueilli un très large assentiment avant leur mise en œuvre.
Les performances des banques n’ont-elles pas été affectées ?
Les banques de la Principauté devraient avoir de bons résultats en 2020. C’est la démonstration de leur capacité à opérer dans un environnement volatil, un très bon point pour la Principauté. Un service de grande qualité a été fourni, ainsi qu’une présence resserrée auprès des clients…même à distance. Ce nouveau mode de travail génère bien-sûr des interrogations sur le nombre d’employés nécessaire en présentiel, la rationalisation du travail…chaque entreprise, et chaque banque mettra en œuvre à l’avenir une politique appropriée.
L’Évaluation Nationale des Risques (ENR) à visée MONEYVAL et la transposition de la 5ème directive anti-blanchiment sont d’actualité….
Elles vont effectivement mobiliser un certain nombre de services de l’État, mais aussi les acteurs économiques de la Place toutes professions confondues. Les établissements bancaires sont une partie importante du dispositif anti-blanchiment, mais ils ne sont pas les seuls. L’ENR nous incite à mieux travailler ensemble, dans la perspective de démontrer aux évaluateurs la qualité de notre dispositif : un cadre conforme à la loi permettant à tous les acteurs économiques publics ou privés de remplir leur rôle par rapport à la lutte anti-blanchiment des capitaux et contre le financement du terrorisme.
Qu’attendez-vous de la loi de juin dernier relative aux offres de jetons numériques ?
Il s’agit d’une « brique » importante pour le financement de l’innovation en Principauté. Cette loi permet une offre de levées de fonds réalisées par des personnes morales au moyen d’un dispositif d’enregistrement numérique sur un registre partagé, tel qu’une Blockchain. L’investisseur reçoit des « jetons » en échange des fonds qu’il a investis. Ce type de financement concernera principalement des projets liés à l’écologie, au développement durable, en ligne avec les engagements du Souverain. C’est un créneau de développement structurant, un complément de financement de l’économie.
Existe-t-il néanmoins un risque ?
Grâce à la coopération des services de l’État et de l’AMAF, un dispositif de sécurité a été mis en place : aucune émission de jetons ne peut se faire sans qu’elle ait reçu un label attribué par une Commission mixte où l’AMAF sera représentée, ainsi que le Gouvernement, la DITN, le Conseil National, et des experts extérieurs. Ainsi, l’innovation n’entrainera pour la Principauté aucun risque réputationnel. Les entreprises retenues par la commission ouvriront un compte en banque en Principauté et apporteront valeur ajoutée et emplois à Monaco. Une réunion d’examen des premiers dossiers se tiendra en septembre prochain.
La Principauté travaille donc plus que jamais à son avenir.
Depuis l’avènement du Prince Souverain en 2005, et notamment depuis 2010, le cadre législatif et règlementaire s’est construit, avec la mise en place de l’échange automatique d’informations en matière fiscale et l’adaptation continue des textes et des pratiques en matière de lutte anti-blanchiment.
Pour rester attractif, pour que des investisseurs continuent à s’implanter à Monaco, notre système bancaire se doit d’être performant, en adoptant les standards internationaux les plus élevés possibles. Nos institutions fonctionnent bien, les rapports entre l’administration et les acteurs privés sont de qualité, et donnent de bons résultats. Ce travail d’équipe fonde l’avenir d’une Principauté moderne et exemplaire.