Hervé Ordioni est Directeur Général de la Banque Edmond de Rothschild à Monaco, et Président de la Commission « Promotion de la Place » de l‘Association Monégasque des Activités Financières (AMAF). En cette période de crise, voici un point d’actualité.
Un flash-back sur 2019 ?
En 2019 la Place s’est très bien développée. C’était une année record concernant à la fois les actifs sous gestion, le nombre de salariés, et les crédits octroyés. L’activité de notre établissement a été forte, en ligne avec celle de la Place, voir même légèrement supérieure d’après les chiffres de la Banque de France. Le pôle d’« Investment Advisory » a contribué de façon significative à notre développement.
A l’instar des établissements bancaires de la Principauté, une grande majorité de nos clients sont des résidents monégasques ; néanmoins nous comptons aussi de nombreux clients d’Afrique francophone. La famille Rothschild s’y est implantée depuis le début du XXème siècle, la Baronne Ariane de Rothschild et son mari apprécient beaucoup ce continent. Un de nos fonds de Private Equity Amethis investit sur des sociétés africaines. Il s'intéresse aux entreprises dont la valeur est estimée entre 50 et 200 millions d'euros, principalement dans les secteurs fournissant des biens et services aux populations urbaines avec l'objectif d'atteindre des taux de rentabilité interne supérieurs à 20 %. Il n’y a pas de limitation de secteurs d’activité, à l’exception des exploitations pétrolières et du secteur minier. La filiale du groupe Edmond de Rothschild dédiée à l'Afrique propose du capital-développement aux entreprises du continent et offre une gamme d'instruments financiers à long-terme, tout en revendiquant des objectifs de développement Social, Environnemental et de Gouvernance élevés (ESG).
L’Investissement Socialement Responsable est important pour le Groupe ?
Absolument. Après le lancement de notre premier fonds d’Investissement Socialement Responsable (ISR) en 2009 et avec une démarche de progrès qui s’est matérialisée par notre signature en 2010 d’un standard international de référence, les PRI (Principles for Responsible Investment), nous avons mis au point une expertise ISR solide, validée par la confiance de clients investisseurs institutionnels. Au sein de Edmond de Rothschild Asset Management (France), l’Investissement Responsable se décline à la fois sous la forme d’une gamme spécialisée ISR, vitrine de l’expertise interne, et plus généralement avec l’intégration de facteurs ESG dans les processus d’analyse des différentes gestions.
Chez nous, pas de green washing : l’ISR est profondément ancré dans l’esprit de la famille depuis des générations. Longtemps cette stratégie a pu paraitre surprenant et aléatoire, les évènements récents montrent à quel point ils étaient judicieux et nous placent aujourd’hui en bonne position vis-à-vis de nos investisseurs.
Le Coronavirus affecte de manière brutale l’organisation des banques…
Grâce au plan élaboré antérieurement concernant le cadre de pérennisation de l’activité, quatre-vingt-dix de nos collaborateurs ont pu disposer de Laptop en 48 heures, ce qui a permis de passer instantanément en télétravail. La sécurité des transactions est totalement assurée ; grâce à Monaco Telecom il est possible d’enregistrer systématiquement toutes les communications. En cette période de crise, la salle des marchés a été particulièrement efficace : elle a géré une activité presque doublée sur le transactionnel. Les investisseurs ont fait preuve d’une très grande maturité, sans aucun effet de panique.
Il est bien sûr difficile de générer de nouvelles affaires en crédit, mais la reprise se fait déjà sentir.
Est-il possible de faire des prévisions sur un futur proche ?
En avril nos activités de gestion prennent le dessus avec de belles opportunités sur le marché. Dès les premiers jours de baisse, nous avons allégé les positions actions et renforcé la proportion d’or. Nous sommes très liquides. La partie obligataire a énormément souffert, mais il y aura beaucoup d’opportunités dans le High Yield. Nous nous intéressons bien-sûr aux conséquences de la pandémie sur l’économie américaine. L’environnement se confirme sur les classes d’actifs : les taux d’intérêt sont proches de zéro. On ne peut donc pas se placer en monétaire ou en obligataire. Toute la difficulté est de déterminer les actifs liquides qui évolueront dans un sens décoléré du marché d’actions. L’Immobilier reste une alternative dans laquelle nous investissons en Europe continentale, où EdR Real Estate gère déjà un peu plus de €12 milliards.
Cette crise contrairement aux précédentes est avant tout sanitaire, avec des conséquences économiques. Nous étions habitués à des crises bancaires et économiques avec des conséquences sociales. Mais globalement, les états ont été prompts à annoncer des montants d’aides colossaux ; le problème immédiat réside dans le déploiement adéquat de ces aides. A Monaco, la réaction du Budget et du Trésor a été très rapide et proportionnée, avec des mesures fortes. Soyons positifs : si l’on fait référence à la crise de 2008, le marché actions a redémarré en 2009, et a doublé en dix ans. En 2020 le Nasdaq est de nouveau passé en territoire positif, comme si les valeurs technologiques étaient le nouvel actif sans risque !