Sérène El Masri a été nommée il y a un an Site Manager de la succursale monégasque de l’Union Bancaire Privée, un pure player de la Banque Privée spécialisé en gestion de fortune au service de clients privés et institutionnels. Nous recueillons ses impressions sur la Place et le marché monégasque.
Quels atouts de la Place vous apparaissent clairement ?
Je commencerai par parler de l’adaptabilité de la Place financière et de la réactivité des pouvoirs publics que je trouve remarquable. Nous pouvons le constater dans le cadre de la gestion de la crise que nous traversons actuellement. Les mesures adoptées dans les domaines social, financier, fiscal, et dans le droit des affaires ont permis très rapidement la continuité des activités. Il y a un véritable soutien des collectivités publiques qui a bénéficié à tous les secteurs, y compris au secteur bancaire.
Je souhaiterai également relever le rôle de l’AMAF (Association Monégasque des Activités Financières) qui est assez unique. L’AMAF n’est pas seulement une association représentative des établissements financiers mais également une vraie force de proposition réglementaire, ce qui permet d’assurer un dialogue continu entre le secteur financier et les pouvoirs publics.
Enfin, la clientèle des banques monégasques est, pour l’essentiel, d’origine internationale et résidente en Principauté. Elle se caractérise en deux catégories. L’une, dite « traditionnelle », a pour objectif la préservation de son patrimoine. L’autre est plus « transactionnelle », maîtrise le marché des changes et est plus friande de produits sophistiqués tels que les dérivés ou les produits structurés. Ce qui réunit les deux profils, et c’est là que l’UBP a un rôle essentiel à jouer, ce sont leurs attentes en termes d’ingénierie patrimoniale, de solutions de financement, et de conseil dans des domaines d’expertise très spécifiques, comme le private equity. Et c’est de gérer de concert ces deux typologies de clientèle qui rend notre métier passionnant.
Vous souhaitiez déployer en Principauté des offres de Private Equity, et augmenter la part de vos mandats Advisory. Cela a-t-il été possible ?
A l’UBP, nous nous consacrons avant tout à la gestion de patrimoine et d’actifs de clients privés et institutionnels. Face à une demande croissante de nos investisseurs qualifiés pour des solutions moins corrélées aux actifs traditionnels, nous avons développé, depuis quelques années, une offre dans le domaine des placements non-côtés. Notre équipe « Direct Investments Group » nous permet aujourd’hui de couvrir les domaines du private equity, de la dette privée, de l’immobilier et de l’infrastructure.
Pour ne citer que quelques exemples, notre partenariat avec Partners Group depuis 2017 nous a permis d’élargir notre gamme de private equity. Nous avons également accédé à la demande de certains clients d’investir dans du venture capital - dans les domaines de la med-tech, de la santé numérique ou de la génomique - grâce à notre collaboration avec Cambridge Innovation Capital. Notre acquisition d’ACPI, en 2019, nous permet de proposer des solutions innovantes dans le domaine de la dette privée. Dans le secteur de l’immobilier, nous bénéficions d’un deal flow régulier. J’évoquerai donc uniquement la collaboration exclusive avec l’un des leaders du marché américain de l’immobilier loué à des agences gouvernementales.
Concernant la part de nos mandats Advisory, leur taux de pénétration est en hausse constante. Nos clients sont ravis de pouvoir bénéficier de nos idées d’investissements ou analyses sectorielles relayées par des spécialistes qui leur sont dédiés. Mais nous remarquons également un intérêt croissant pour les mandats de gestion discrétionnaire, notamment par les clients recherchant une gestion spécialisée – dans le domaine des investissements responsables, l’intelligence artificielle, la santé ou encore les hedge funds.
Justement, votre établissement a vu ses encours croitre sans interruption depuis 2008 pour atteindre un niveau record fin 2019. Pouvez-vous expliquer cette performance ? Cette stratégie de développement est-elle applicable à Monaco ?
Cette performance peut s’expliquer en quatre points. Il y a tout d’abord notre faculté d’adaptation rapide à une demande qui est en constante évolution, comme nous l’avons fait dans le domaine des placements privés. Ensuite, il y a bien entendu notre politique d’acquisition, notamment avec Coutts International en 2015 qui nous a permis de renforcer notre empreinte en Asie ou, plus récemment, ACPI à Londres et Banque Carnegie au Luxembourg. Nous n’excluons pas d’ailleurs les opportunités de croissance externe à Monaco ! Le recrutement de talents, que ce soit en Asie, au Moyen Orient ou encore à Londres contribue également à notre succès. A Monaco nous avons recruté plus de 10 nouveaux Relationship Managers en 2019 et sommes toujours à la recherche de talents. Et, pour terminer, il y a les investissements conséquents que nous effectuons continuellement dans le digital et qui, par exemple, nous permettent d’assurer la continuité de nos activités dans le contexte que nous connaissons actuellement.
Un projet de loi renforçant le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption a été reçu au Conseil National en février dernier. Qu’en pensez-vous ?
C’est une nécessité. Le terrorisme est une réalité, et lutter de concert contre son financement est un devoir, en particulier avec le développement des cryptomonnaies. La règlementation est obligée d’évoluer à la lumière de ces techniques de financement qui changent rapidement. Un moyen important de lutte contre celles-ci est une plus grande coopération entre les États, et notamment leurs cellules de renseignement financier. C’est l’un des objectifs de la 5ème Directive européenne Anti-blanchiment et du projet de loi monégasque.