Monaco Finance durable. Quel encadrement juridique ?

2021 12 13 monaco finance durable

La finance durable en Principauté. La place financière de Monaco apparaît tout à la fois pionnière et exemplaire dans le domaine de la finance durable (entendue comme la prise en compte des considérations sociales et environnementales dans les marchés financiers. Le dérèglement climatique a donné une importance toute particulière aux secondes).

Pionnière, d’une part

Depuis longtemps, les initiatives visant à verdir le système financier et à orienter les flux de financement vers une croissance propre et durable se développent en Principauté. Ainsi, l’État monégasque a montré la voie s’agissant de la gestion du fonds de Réserve Constitutionnel (FRC) dès le début des années 2000. Deux fonds existaient alors : Monaco Eco+ (géré par la Compagnie Monégasque de Banque) et MC2D (géré par CFM Indosuez Wealth). Depuis lors, les investissements « verts » ont été diversifiés, par exemple avec le fonds Terra Munda. Dans le prolongement, SAS le Prince Albert II a pris grande part à la conférence de Paris sur le climat, plus connue sous le nom de « COP 21 », tenue en décembre 2015.

Exemplaire, d’autre part

La conférence de Paris a permis d’aboutir au premier accord juridiquement contraignant sur le changement climatique entre 190 pays (pour Monaco, cf. Ordonnance souveraine n° 6.200 du 16 décembre 2016 rendant exécutoire l’Accord de Paris). Les signataires se sont engagés à rendre « les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques ». En Principauté, un groupe de travail État-AMAF « Monaco Finance Durable » a été récemment constitué.

Les modes de régulation de la finance durable

Cette montée en puissance des considérations environnementales dans la finance induit légitimement un questionnement quant à son encadrement juridique. Aujourd’hui, ce cadre juridique présente deux caractères :

  • impératif (existence d’un socle réglementaire européen) ; et
  • incitatif (collaboration et certification des acteurs de la place financière monégasque).

Le droit dur de la finance durable : le socle réglementaire européen

La signature de l’Accord de Paris a contribué à donner corps à deux textes majeurs pour la promotion de la finance durable :

  • le règlement n° 2019/2088 du 27 novembre 2019 sur les informations relatives à la durabilité dans le secteur des services financiers (dit règlement Disclosure) ;
  • le règlement n° 2019/2089 du 27 novembre 2019 en ce qui concerne les indices de référence « transition climatique » de l’Union (modifiant le règlement Benchmark).

La lutte contre le dérèglement climatique et les risques environnementaux, perspective nouvelle des marchés financiers, doit être articulée avec les impératifs traditionnels du droit financier : protéger les épargnants et garantir l’intégrité des marchés financiers. Tout particulièrement, ces textes tendent à éviter les pratiques de greenwashing, destinées à tromper les investisseurs sur la contribution réelle des émetteurs et des produits au respect des engagements verts.

La lisibilité des informations financières est une donnée capitale. Elles doivent être diffusées dans des langages et selon des normes communes. Les autorités européennes se sont donc employées à élaborer un socle terminologique commun. Tel est l’objet du règlement Taxonomie n° 2020/852 du 18 juin 2020 qui établit une classification des investissements pour déterminer si une activité économique est durable sur le plan environnemental. Cette matrice permet aux émetteurs de se positionner, aux intermédiaires de la gestion d’actifs de situer leurs gammes de produits et aux investisseurs de choisir où vont leurs fonds.

Le droit souple de la finance durable : labels et certifications

L’attrait grandissant des investisseurs pour les problématiques environnementales a conduit les professionnels à se doter de leurs propres instruments. Ainsi, le marché obligataire a développé les « Green bonds principles » avant de faire place plus récemment aux « Substainability-Linked Bond principles ». En outre, émetteurs et fonds d’investissement recourent de manière croissante à la labellisation. Cette profusion de labels nationaux est source de confusion. La labellisation doit gagner en transparence. À cette fin, la création d’un label européen pour les fonds environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), est mise en avant.

Dans le prolongement, M. Jean Castellini, Conseiller de Gouvernement, Ministres des Finances et de l’Économie, a suggéré la possible mise en place de « formation aux placements durables », empruntant à la certification professionnelle liée aux activités financières (https://www.monacoforfinance.mc/fr/articles/produits-et-services/1343-la-place-financière-de-monaco-bientôt-un-modèle-de-finance-durable.html).

La finance durable : de l’éthique suggérée à l’éthique imposée

Pour conclure, on constate que la finance durable repose essentiellement sur une démarche volontaire. Certes, l’investisseur spécule, comme jadis, pour gagner de l’argent, mais il est désireux de voir son investissement contribuer à élever les standards en termes de respect de l’environnement, de sauvegarde de la biodiversité ou encore de droits des salariés.

L’encadrement juridique de la finance verte procède de cette même logique volontaire. Elle est le fruit d’une conjonction entre incitation institutionnelle et engagement volontaire, d’une oscillation entre une éthique suggérée par diverses institutions et une éthique que s’imposent les divers acteurs impliqués. Ce cadre juridique se dessine progressivement.