Le cadre réglementaire des activités de Private Equity à Monaco

2019 09 03 cadre reglementaire

On parle beaucoup de private equity et du développement de cette activité à Monaco. Comment peut-on définir cette activité ?

Gilbert Delacour : Comme souvent, il existe presqu’autant de définitions que de « définisseurs » … Le « private equity » ou le capital investissement consiste à prendre des participations – minoritaires ou majoritaires – dans le capital d’entreprises non cotées, à divers stades de leur développement (démarrage, phase de croissance, transmission ou redressement) avec un objectif de rentabilité à moyen ou à long terme. Ce qui implique un accompagnement personnel de l’investisseur de l’entreprise dans laquelle il investit, par opposition à des investissements passifs ou spéculatifs.

La durée de détention, plus ou moins longue, correspond à un cycle complet de l’évolution de l’entreprise, lequel peut représenter entre trois et huit ans. Outre l’implication aux côtés du dirigeant de l’entreprise, les autres « marqueurs » du « private equity » sont les stratégies financières et de sortie des investisseurs. Ceux-ci, sans nécessairement dédaigner une rentabilité immédiate, attendent davantage une rentabilité à moyen et long terme de leur investissement, c’est-à-dire lors de la réalisation d’une plus-value de revente plutôt qu’immédiate à travers la perception de dividendes ; la stratégie de « sortie » (revente totale ou partielle, choix de l’acquéreur, introduction en bourse etc.) est donc indissociable de la stratégie financière, étant toutes les deux envisagées conjointement dès la phase de négociation de l’entrée au capital de l’investisseur.

Magali Vercesi : En matière de capital investissement, les sommes investies sont généralement importantes – le « ticket d’entrée » dans les fonds d’investissement s’élève souvent à plusieurs centaines de milliers d’euros - et l’engagement, relativement long. Ceci implique un risque important pour l’investisseur. Pour ce qui concerne les activités visées par la Loi 1.338, la règlementation est là pour protéger les investisseurs contre une prise de risque trop importante ou qu’ils ne sauraient pas évaluer correctement, ne disposant pas de la formation ou de l’expérience nécessaire. De même, les fonds d’investissement ont l’obligation d’informer les investisseurs potentiels, de façon précise et détaillée, des risques encourus. Ceux-ci sont décrits dans la documentation émise par les fonds de droit monégasque, qui doivent être agréés par  la Commission de Contrôle des Activités Financières (CCAF).

Quel est le cadre réglementaire du « private equity » à Monaco ?

GD : La question du cadre règlementaire revient à se poser la question de savoir quels sont les acteurs du « private equity » à Monaco et comment leur activité est contrôlée.
L’investissement « private equity » peut tout d’abord être réalisé par une personne seule, qu’elle soit physique ou morale. Il s’agit typiquement de l’investissement « industriel », qui n’est pas spécifiquement réglementé dès lors qu’il n’est pas le fait d’un « concert » d’investisseurs, quelle qu’en soit la forme, et ne vise pas une société cotée.
La question de la règlementation se pose en revanche dès que cet investissement est proposé par un intermédiaire financier. C’est le cas des sociétés de gestion, lorsqu’elles interviennent en tant que conseil ou dans le cadre d’un mandat de gestion, ou des fonds d’investissement, lesquels résultent d’ailleurs d’un accord entre un ou plusieurs investisseurs et une société de gestion qui investira les actifs qui lui sont confiés par ces investisseurs conformément à une stratégie prédéfinie. Ces intermédiaires sont donc des professionnels, garants auprès des investisseurs du respect de certaines règles impératives. Leur constitution, leur fonctionnement sont soumis à une réglementation spécifique, et leur activité, au contrôle de la Commission de Contrôle des Activités Financières. 

MV : L’agrément de la Commission de Contrôle des Activités Financières est requis par la loi n°1.338 du 7 septembre 2007, notamment pour les activités de gestion de portefeuilles de valeurs mobilières pour le compte de tiers, de conseil en investissement et de gestion de fonds d’investissement, qu’ils soient de droit monégasque ou de droit étranger.
L’objectif est d’offrir un cadre protecteur aux investisseurs, quand bien même ceux-ci sont qualifiés d’investisseurs « avertis » ou « professionnels ».
La loi n°1339 et l’Ordonnance souveraine n°1.285 du 10 septembre 2007 portant application de la loi n° 1.339 du 7 septembre 2007 réglementent plus particulièrement les fonds communs de placement et les fonds d'investissement.

En pratique, comment cette activité de « private equity » peut-elle être conduite à Monaco à ce jour ?

MV : A Monaco, certaines banques et sociétés de gestion sont équipées pour permettre à leurs clients d’investir dans du « private equity ». Notamment en leur proposant de souscrire des parts de fonds d’investissement de droit étranger, lesquels s’avèrent être parfois des fonds de fonds. Enfin, à ce jour, il n’existe pas encore de fonds de capital-risque de droit monégasque. En effet, si la réglementation monégasque permet de constituer des fonds d’investissement de droit monégasque, ce n’est pas encore le cas pour les fonds de capital-risque. 

GD : Dans ce contexte, des solutions mixtes pourraient toutefois être proposées consistant par exemple à constituer un fonds d’investissement « nourricier » monégasque qui alimenterait un fonds de « private equity » dit « master », localisé dans une juridiction tierce.

MV : Sous réserve, bien naturellement, que la juridiction de constitution de ce fonds « master » soit une juridiction avec laquelle Monaco entretient des relations suivies, en particulier au niveau des régulateurs, afin d’assurer l’objectif de protection de l’investisseur.  

 

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