La notion de SMART CONTRACT constitue sur le papier l’une des avancées les plus novatrices de la blockchain. Dans un contexte réglementaire où nombreux sont les Etats à avoir assoupli leurs exigences en matière de formalisme contractuel (notamment de par la mise en place d’une législation entourant la signature électronique), la blockchain introduit la notion de « contrat intelligent » s’autogénérant.
Les SMART CONTRACT sont des programmes permettant d’exécuter automatiquement et en toute autonomie les conditions définies et enregistrées préalablement dans la blockchain sur la base d’une approche cause/conséquence (if/then). En théorie, l’approche est de prime abord satisfaisante en ce qu’elle implémente de façon systématique le fameux syllogisme (règle de droit, cas d’espèce et conclusion), qui constitue l’alpha et l’omega de toute démonstration juridique. Elle peut en outre apparaître sécurisante pour les parties dès lors que les conséquences à tout manquement contractuel sont traitées de manière là encore automatique sans passer par une procédure de réclamation préalable.
Ces nouveaux contrats répondent donc bien aux nécessités apparentes de notre époque que sont la sécurité et la rapidité.
S’agit-il pour autant de solutions universelles ?
Nous ne le pensons pas.
Il faut tout d’abord rappeler que la méthodologie n’est pas aussi innovante qu’il y paraît. Il existe depuis longtemps, sur le marché des solutions informatiques pour les juristes, des programmes permettant de rédiger des contrats sur la base de postulat avec une approche « if/then » similaire à celle qui peut se rencontrer dans la blockchain.
Or, la pratique de ce type d’instruments a rapidement révélé les limites de ceux-ci dans la sphère juridique. La logique quelque peu binaire qu’elle implique s’accommode mal de la spécificité propre à toute transaction que celle-ci résulte de son objet ou de la qualité des parties contractantes.
Si l’on veut transposer cette difficulté de façon plus mathématique, la relation contractuelle ne se nourrit pas d’un mais de plusieurs syllogismes interagissant les uns avec les autres et aussi performants que soient les protocoles informatiques mis en place, il est assez peu vraisemblable que ces derniers puissent un jour répondre à la multiplicité des paramètres qui doivent être pris en considération dans une relation contractuelle donnée.
Il serait intéressant de percevoir comment ce type de contrats sera en capacité d’appréhender des concepts aussi circonstanciels que celui de la force majeure ou l’échelon de gravité d’un manquement contractuel, qui sont parmi les sujets les plus fréquemment discutés dans le cadre des contentieux soumis à l’arbitrage des tribunaux.
Enfin, il faut garder à l’esprit que ces solutions restent en tout état de cause vulnérables au piratage informatique auquel l’expérience des dernières années a prouvé que rien ne résiste véritablement.
Reste que les avancées que génèrent ces nouvelles façons de travailler sont indéniables en termes de coûts et de temps passé et que les SMART CONTRACT sont, sans doute, de ce fait une solution adaptée pour les relations contractuelles simples aux enjeux modérés.
Ces technologies ont en outre l’avantage d’amener les professionnels du droit à s’interroger sur les procédés existants qui pâtissent pour beaucoup d’une trop grande exigence formelle qui ne sert plus du tout l’objectif de sécurité juridique qu’elle était censée assurer.