Le monde est aujourd'hui témoin d'une série d'événements climatiques extrêmes, des vagues de chaleur aux incendies de forêt en passant par des inondations dévastatrices. Au-delà des pertes humaines tragiques, il devient impératif de comprendre les répercussions économiques de ces catastrophes. Les investisseurs à long terme doivent réviser leurs modèles parfois obsolètes de valorisation des actifs. Les risques climatiques englobent la planification et l'efficacité des politiques climatiques, l'ampleur des risques physiques, mais aussi l'impact potentiel de futurs facteurs climatiques sur certains secteurs, certaines entreprises. La combinaison de ces facteurs peut entrainer une fréquence accrue des chocs aléatoires sur les marchés.
Comme le démontre la persistance de pertes non assurées résultant de catastrophes naturelles, l'impact du changement climatique sur les économies et les entreprises demeure largement sous-estimé par les acteurs économiques. Ces risques ne se limitent plus aux pays « lointains », les aléas naturels touchent désormais l’ensemble des pays développés. Selon les estimations des compagnies d’assurance, les pertes dues aux inondations dans le monde entier se sont élevées, les cinq dernières années à 300 milliards de dollars, dont seulement 45 milliards étaient assurés. La catastrophe la plus coûteuse de l'histoire, liée aux inondations, s'est produite en juillet 2021 en Europe centrale, lorsque les crues dévastatrices en Allemagne occidentale ont entraîné des pertes globales de plus 45 milliards d'euros.
Afin de préparer les portefeuilles à l'incidence du changement climatique, il convient que les investisseurs portent une attention accrue aux pays, aux secteurs, aux sociétés qui démontrent une résilience, une planification à long terme et une adaptabilité leur permettant non seulement de survivre, mais également de prospérer, à mesure que les températures mondiales s'accroissent.
L'agriculture, l'un des secteurs les plus vulnérables avec environ 70 % de la consommation d’eau douce dans le monde, illustre parfaitement cette réalité. Un rapport de Morgan Stanley estime qu'une part importante des cultures mondiales telles que le blé (à hauteur de 44 %), le riz (à 43 %), le maïs (à 32 %) et le soja, (à 17 %) proviennent de zones à risque. Les catastrophes climatiques pourraient compromettre des productions annuelles évaluées à des centaines de milliards de dollars et menacer la croissance économique de nombreux pays. En qualité d'investisseur, il est essentiel, non seulement, de prendre en compte ces risques climatiques dans l'évaluation des prix des matières premières et les notations de certaines dettes souveraines mais aussi de privilégier des entreprises habiles et innovantes. Cela permettra de réduire dans le temps la volatilité et donc le risque global des portefeuilles.
Les sciences végétales et les innovations visant à atténuer l'impact des futures pénuries d'eau suscitent de plus en plus l’intérêt des décideurs politiques et des investisseurs. Les pays européens, jusqu'alors sceptiques, s'ouvrent désormais aux variétés génétiquement modifiées conçues pour résister à des conditions climatiques extrêmes et à la sécheresse. Un exemple notable est celui de la société Bayer qui a développé un maïs nécessitant une moindre quantité d'eau. Gradient, une entreprise basée à Boston, pionnière dans le développement de nouvelles méthodes de traitement des eaux usées industrielles, est devenue la première start-up spécialisée dans les technologies de l'eau à atteindre une valorisation d'un milliard de dollars cette année. Bien que les coûts restent élevés avec une efficacité encore limitée, le marché du dessalement devrait croître fortement dans les prochaines années.
L'industrie elle-même est vulnérable aux pénuries d'eau, Moody’s estimant ainsi que près de la moitié des actifs mondiaux du secteur chimique sont exposés au stress hydrique. L'utilisation du Rhin par l'industrie allemande pour le refroidissement et le transport a été compromise à plusieurs reprises par des sécheresses. Les faibles niveaux d'eau en 2018 ont réduit les bénéfices du géant de la chimie BASF de 250 millions d'euros. Toujours selon Moody's, environ un cinquième des usines d'électronique en Asie se trouve dans des zones sujettes aux inondations. Les mesures préventives réduisent les risques et il est impératif que les investisseurs intègrent ces démarches dans leurs modèles d’évaluation. À titre d’exemple, TSMC, le plus grand fabricant mondial de puces, a relevé de deux mètres les fondations de ses nouvelles usines à Taïwan.
Il est crucial également de noter que l'impact du changement climatique n'est pas uniforme et crée a contrario des opportunités pour certaines zones géographiques. Pour exemple, les vignobles se développent dans des régions comme le Royaume-Uni et le Danemark.
Les investisseurs ont commencé à évaluer le poids financier colossal de la décarbonisation, mais il serait bien plus dangereux de minimiser les coûts encore plus considérables induits par l'inaction.
Alors que les marchés financiers et l'économie mondiale entrent dans une ère pérenne de mise en œuvre de politiques climatiques, nous connaitrons nécessairement des périodes de volatilité liées à cette transition énergétique. Pour les investisseurs cherchant à atténuer les risques climatiques et à soutenir des solutions d’avenir, il est donc important de ne pas se laisser distraire par les « bruits » de court terme et de maintenir une mentalité orientée vers les solutions climatiques de long terme.