L’investissement durable n’a cessé de gagner du terrain ces dix dernières années et l’attention s’est surtout portée sur la stabilité climatique, notamment l’intensité carbone. Les émissions de carbone directes sont en effet relativement faciles à mesurer et, lorsque les entreprises ont commencé à produire leur reporting extra financier, ce sont donc souvent les premières données qu’elles ont pu fournir.
La transition concrète en cours pour une économie privilégiant l’énergie renouvelable a sans aucun doute conduit par ailleurs au développement de produits d’investissement visant à répondre à cette demande. Une tendance soutenue par le renforcement des réglementations sur les émissions et la communication de données, sans oublier, bien sûr, l’engagement déterminant de l’Accord de Paris visant à limiter le réchauffement climatique à 2°C maximum d’ici la fin du XXIe siècle.
Ceci a eu un impact significatif sur le comportement des entreprises. Ces cinq dernières années, le nombre de sociétés qui se sont fixé des objectifs d’émissions mesurables est passé de moins de 100 à plus de 1'000. Ces entreprises représentent au total une capitalisation boursière supérieure à USD 20'000 milliards, soit 20% de la capitalisation boursière mondiale, et elles proviennent souvent de secteurs affichant les plus fortes émissions. La route est encore longue, mais nous sommes à un moment charnière pour l'adoption d'objectifs d'émissions ambitieux dans les secteurs public et privé.
Cependant, il est à présent primordial de braquer les projecteurs également sur la nature. Nous sommes tous convaincus des avantages d’une économie neutre en carbone, mais il est aussi crucial de créer une économie ‘nature positive’ car ces deux aspects sont intimement liés.
- La nature – les forêts, les océns et les régions côtière – fournit d’importants puits de carbone, absorbant jusqu’à 40% des émissions1.
- L’érosion de la biodiversité est aussi largement à l’origine du changement climatique, l’alimentation et l’agriculture représentant 25% des émissions mondiales.
Du fait de cette relation interdépendante, cela n’aurait aucun sens pour les investisseurs que nous sommes de chercher à résoudre une problématique et d’ignorer l’autre, surtout lorsque la restauration de la biodiversité génère des opportunités d’investissement aussi attrayantes.
La taille de ces opportunités dépend de trois facteurs: la demande, la réglementation et l’innovation. Il est aujourd’hui évident que l’intérêt des consommateurs pour la nature est réel et ne cesse de croître. Dans le baromètre mondial de la biodiversité 2020 de l’Union pour le Commerce Biologique Ethique (UEBT), plus de 80% des sondés estiment que les entreprises ont une obligation morale d’avoir un impact positif sur la biodiversité.
En outre, et c’est un autre facteur positif, les grands décideurs ont eux aussi pleinement conscience de ce sujet. De plus en plus de monde reconnaît qu’il est essentiel d’opter pour une approche similaire à l’Accord de Paris en faveur de la nature. Cette prise de conscience suppose la mise en place de politiques, un cadre réglementaire et des dépenses d’investissement. Ceci implique, pour certaines entreprises, des coûts accrus dans leurs activités au quotidien. Pour d’autres – celles qui contribuent à résoudre cette problématique –, cela crée potentiellement une opportunité de croissance supérieure et de réelles avancées sur plusieurs décennies, car les capitaux se réorientent désormais vers les sociétés (dites ‘fixers’) ayant la volonté d’apporter des solutions en matière de biodiversité.
Même s’il existe une grande variété de ‘fixers’, elles ont typiquement en commun l’innovation et la technologie. Il s’agit notamment de sociétés développant des pratiques agricoles en accord avec la planète, et de celles contribuant à une économie circulaire ou à des espaces urbains soucieux de la nature. Comme le montre le graphique, ces sociétés innovantes sont devenues accessibles aux investisseurs sur les marchés cotés. La capitalisation boursière du secteur des protéines végétales se monte aujourd’hui à plus d’USD 17 milliards. Or, ce secteur n’existait pas sur les marchés cotés il y a cinq ans. Etant donné que 65% de la population envisage de manger moins de viande2 et que 25% a déjà commencé à le faire, cela montre à quel point le fait d’investir ‘aux côtés’ de la nature, et non ‘contre’ elle, se traduit par un réel potentiel de performances tant financières que non financières.
1 IPCC 2014, ‘Global Carbon Project 2019’
2 Sondage Gallup 2019