Thierry Crovetto est analyste et conseiller financier et fondateur de la société de gestion TC Stratégie Financière, partenaire clé des gestionnaires d’actifs et des Family Offices. Souhaitant établir un lien entre Finance et Recherche, pour une validation à niveau académique des modèles d’analyses proposés, il se penche essentiellement sur l’optimisation de la performance avec réduction des risques.
Vous insistez beaucoup sur la notion de risque. Les Asset Managers la prennent pourtant en compte ?
Les investisseurs et gérants de portefeuille communiquent souvent sur leur performance mais assez peu sur leur niveau de risque. Pourtant, l’objectif principal de la gestion de portefeuille est bien l’optimisation du couple rendement risque. On ne peut pas juger la performance si on ne connait pas le niveau de risque qui a été pris pour l’atteindre…
Le vrai risque pour un investisseur est celui de perdre de l’argent…
C’est pour cela que la mesure de risque la plus pertinente et la plus compréhensible est la perte maximale (Maximum Drawdown) ! La gestion du risque devrait être la priorité des investisseurs. Pour optimiser le couple rendement risque, la diversification est une étape importante, mais pas suffisante. Il faut assembler des investissements attractifs ayant une faible corrélation. Les stratégies de performances absolues peuvent constituer le cœur des portefeuilles ; les plus défensives peuvent prendre une partie de la place des obligations tandis que les plus dynamiques peuvent remplacer une partie des actions. Les stratégies de couverture doivent aussi avoir leur place pour se prémunir contre de fortes baisses comme des primes d’assurance.
On imagine que des risques non matérialisés sont difficiles à appréhender ?
Si la performance est facile à calculer et à comprendre, il existe différentes notions du risque plus ou moins concrètes. Très souvent, on considère, à tort, que seules les actions sont risquées et que le risque est déterminé par le pourcentage d’actions en portefeuille. On peut élargir la mesure du risque de marché, en calculant le Bêta (sensibilité aux mouvements d’un indice action par exemple). Ce dernier se définit comme le rapport de la covariance de la rentabilité de l'actif avec celle du marché à la variance de la rentabilité du marché. Concrètement, prenons l'exemple d'un portefeuille qui a un Bêta de 0,8 par rapport au CAC 40. Cela signifie que si l'indice CAC 40 varie de 10%, le portefeuille devrait théoriquement varier de 8%. Cela reste une moyenne, et la participation à la hausse peut être différente de la participation à la baisse de l’indice, c’est ce qu’on appelle la convexité.
Et la mesure de la volatilité, permet-elle de contrôler le risque ?
Considérée en finance comme la base de la mesure du risque, la volatilité est par définition une mesure des amplitudes des variations du cours d’un actif financier. Ainsi, plus la volatilité d’un actif est élevée et plus l’investissement dans cet actif sera considéré comme risqué et par conséquent plus l’espérance de gain (ou risque de perte) sera importante. L’écart type est relativement simple à comprendre et à appliquer. Il s'obtient en calculant la racine carrée de la variance. La variance étant calculée en faisant la moyenne des écarts à la moyenne, le tout au carré. Puisque la volatilité ne fait pas la différence entre les écarts à la hausse et à la baisse, il s’agit plutôt d’un indicateur d’incertitude. Pour se concentrer sur le risque réel, on peut calculer la volatilité négative qui ne va considérer que les écarts à la moyenne négatifs. Dans tous les cas ces indicateurs ne sont pas stables dans le temps puisqu’ils ont tendance à augmenter quand les marchés baissent et à diminuer quand les marchés montent…
Les stratégies de Vol Target consistent à déterminer un niveau de volatilité cible pour le portefeuille et de faire varier le poids des actifs risqués en fonction de leur volatilité. Ainsi, on va réduire leur exposition quand leur volatilité est supérieure à la volatilité cible en augmentant la part des actifs sans risque et inversement, en augmentant leur poids (éventuellement en utilisant le levier) quand leur volatilité est inférieure à la volatilité cible. Cela fonctionne comme une stratégie de suivi de tendance.
Dans la théorie financière classique, on part du principe que la volatilité des actifs est constante, mais en réalité, elle change au fil du temps. Il peut être démontré que la stratégie « Vol Target » génère des performances plus élevées pour chaque unité de risque. On réduit surtout les baisses maximales des portefeuilles qui interviennent généralement dans un contexte de forte volatilité. Les investisseurs devraient raisonner en termes de budget de risque plutôt qu’en termes de poids pour leur allocation d’actifs.
Prenons l’exemple d’un fonds d’emprunts d’Etats très performant sur plusieurs années, quel risque peut-on lui associer ?
Il a peu de chance de répliquer les mêmes performances à l’avenir et son risque est sans doute supérieur à ce qu’il a été par le passé.
A côté des risques quantitatifs, calculables à partir des données historiques, il faut évaluer les risques qualitatifs tels que la liquidité, la valorisation, le risque de non-réplicabilité des performances et les « Black Swans » telle que la pandémie de Covid-19 à laquelle nous faisons actuellement face.