M. Werner Peyer est Administrateur délégué de la Compagnie Monégasque de Banque (CMB) depuis 2010. Son approche multiculturelle et sa carrière internationale ont séduit l’actionnaire Mediobanca SpA, banque d’investissement de référence en Italie, cotée à la Bourse de Milan. Sa mission : « élargir le cadre » d’un établissement implanté depuis 1976 en Principauté, et très impliqué dans le tissu économique monégasque.
Pourquoi un établissement réputé, installé depuis 40 ans en Principauté, avait-il besoin d’évoluer ?
A la fondation de la banque, elle s’est focalisée sur un service de Private Banking de très haute qualité, en vue de servir une clientèle fortunée locale, ou originaire du pourtour méditerranéen. La Place financière monégasque a évolué, il y a désormais 123 nationalités à Monaco. Nous devions modifier notre prisme de réflexion, élargir notre vision, pour nous adapter à ces nouveaux clients. Mon expérience internationale (j’ai vécu en Afrique du Sud, en Espagne, à Londres, à Zurich) ainsi que ma connaissance du milieu bancaire, a été utile.
Comment construit-on un nouveau modèle ?
En mars 2010, nous avons défini, avec le Comité de Direction, une vision de la CMB de demain, telle qu’elle n’existait pas encore. Et nous avons imaginé la culture spécifique de la CMB, qui repose sur 4 valeurs :
La concertation client est au sommet de notre pyramide des valeurs , le respect de la diversité culturelle et d’opinions, la compétence et l’innovation, ces dernières sont, si je puis dire, des valeurs plus techniques. Et enfin, l’intégrité et le respect des règles. L’univers bancaire est constellé de règles, qu’elles émanent des régulateurs (ACPR, SICCFIN, CCAF), des actionnaires, ou qu’elles structurent les relations internes. Nous nous devons de les respecter.
Reprenons les relations clients. Qu’ont –elles de particulier ?
Le rapport de confiance que nous entretenons avec le client est fondamental. La CMB se veut l’interlocuteur de confiance que le client recherche, face aux nombreuses interrogations soulevées tant en raison de considérations personnelles qu’en conséquence de la complexité croissante et de la difficulté de lecture des marchés financiers.
Nous avons développé un processus de conseil client en quatre étapes : le client explique sa problématique, guidé par une liste de questions établie au préalable, pour mieux la préciser. Puis, la banque développe des propositions. Le client évalue et décide. Le banquier met en application. C’est un dialogue constant. Nous n’essayons pas d’imposer tel ou tel produit, seulement de rendre le meilleur service.
Quels sont vos engagements vis à vis du client ?
Discrétion, performance et qualité de service. Une relation continue avec le banquier. Des tarifs cohérents avec la qualité de service. Le respect de l’éthique. La continuité stratégique, et un management visible et impliqué. Nous sommes engagés dans les associations, pour contribuer au rayonnement de la Principauté.
Nous évoquions le conseil en investissement. Vous faites aussi du crédit ?
Nous sommes très actifs sur ce poste, avec presque 1 milliard de crédit en cours. Ils servent au financement immobilier, au financement de trésorerie, ou bien encore à créer un levier sur des investissements existants. Le crédit est le service incontournable d’une banque privée. L’âge moyen d’un client de banque privée classique est élevé, nous avons l’ambition d’accompagner nos clients plus tôt, et lorsque nous rentrons en relation par les crédits et que nos clients sont satisfaits, la fidélité est renforcée.
Vos clients sont de diverses nationalités ?
Nous avions une base de clients plutôt italienne, que nous diversifions tout en donnant la préférence aux clients monégasques résidant. Nous avons désormais une forte clientèle anglo-saxonne, Nous travaillons avec une quarantaine de Sociétés de Gestion internationales, situées partout dans le monde, y compris en Asie ou en Amérique Latine. Lorsque des conseillers financiers indépendants nous présentent de façon positive à leurs clients, cela est bien sûr favorable à la Place. J’y suis très attentif, ce sont des ambassadeurs…
L’Innovation est une de vos valeurs-clefs. Avez-vous des exemples concrets ?
En 2010, nous avons introduit le CRM (Customer Relationship Management) qui, s’il est bien renseigné, permet au client d’être particulièrement bien suivi, même en l’absence de son interlocuteur bancaire habituel, ce qui est fondamental.
Autre exemple, nous avons des clients qui reçoivent leurs courriers bancaires directement à la CMB. Autrefois, ils venaient le compulser de temps en temps, et se débarrassaient d’une grande quantité de papier. Dorénavant, nous téléchargeons tout le courrier du client sur une tablette, il la consulte, supprime ce qui doit être supprimé, édite ce qui doit l’être. Plus aucun papier n’est gaspillé et nous avons introduit le on-line banking qui permet des transferts saisis par le client.
Lorsque la culture d’entreprise évolue, les ressources humaines sont très impliquées ?
Nous souhaitons être un employeur apprécié, où les collaborateurs adhèrent à nos valeurs et progressent. Nous avons imaginé, avec le CFPB (Centre de Formation de la Profession Bancaire) une formation diplômante sur 3 ans, de 3 modules par an. Chaque collaborateur peut s’y inscrire. Ils ont une forte culture client, et une forte implication dans la CMB : l’inverse de mercenaires !
Par ailleurs, nos cadres suivent une formation continue en techniques de management pour introduire les 5 principes du Leadership dans le comportement au quotidien et créer un environnement de travail qui permet aux talents de s’épanouir, c'est-à-dire de donner le meilleur d’eux-mêmes pour les clients et donc pour la Banque.
Tous les collaborateurs doivent s’habituer à une attitude permanente d’évolution. Il faut sans cesse se remettre en question, ne pas se conforter systématiquement dans des habitudes, des traditions. Nous avons un réseau important de compétences à Londres, que l’on peut utiliser pour transfert de know-how si besoin.
Nous voulons que nos collaborateurs prennent des initiatives, qu’ils soient autonomes comme nous-mêmes, en tant que Banque, avons une autonomie forte sur le terrain. Et cela fonctionne ! Le magazine financier Euromoney a décerné le titre de « Meilleure Banque Privée Locale à Monaco 2014 » à la Compagnie Monégasque de Banque. Nous étions tous très heureux, mais c’est le résultat d’une aventure collective.
Vous êtes à Monaco depuis cinq ans, comment voyez-vous l’évolution de la Place ?
Elle a monté en compétence et fortement progressé, entre autres grâce à la Certification professionnelle. Partant du principe qu’un client fortuné est toujours multi-bancarisé, l’objectif de la Place doit être d’augmenter le pourcentage des avoirs des clients en Principauté. C’est possible grâce à la compétence des banquiers, à la qualité de services, à la solidité institutionnelle et gouvernementale. On peut aussi être imaginatif au niveau de la législation. Pour moi, la compliance est une opportunité de mieux comprendre le client. Et de construire une image cohérente de l’activité de ses flux passés-présents-pour mieux construire le futur.