Une délégation officielle de Monaco conduite par le Ministre d’Etat SE M. Michel Roger, en présence de la CDE, a participé à ce forum économique majeur à Moscou, sur le thème Russie et Monde : Nouvelles Dimensions. Cette visite de travail était également l’occasion pour la délégation monégasque de nouer des contacts avec les autorités russes et des hautes personnalités.
Aux côtés de S.E. M. Michel Roger, Ministre d’Etat, M. Jean Castellini, Conseiller de Gouvernement pour les Finances et l’Economie, a pris la parole afin de présenter le modèle économique monégasque. Voici son discours.
Monsieur le Recteur,
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de me donner l’occasion d’intervenir dans ce prestigieux Forum qui commémore un grand économiste, Premier Ministre et Ministre des Finances, et surtout poursuit une œuvre qui a voulu inscrire pleinement et durablement la Russie dans la modernité, et ce dans des temps particulièrement difficiles.
Je voudrais vous dire quelques mots aujourd’hui du “modèle économique monégasque”, un modèle qui s’inspire de la vision de nos Princes depuis des décennies, voire des siècles, et qui repose sur un délicat équilibre, sans doute assez unique au monde, sur une vision libérale de l’économie et de la création d’entreprises, et une approche sociale de la protection des Monégasques, nationaux minoritaires dans leur pays, et des salariés qui contribuent chaque jour à la richesse de Monaco.
Comme le soulignait S.A.S le Prince Souverain dans Son message de vœux pour la nouvelle année : « Alors que l’avenir est encore incertain pour tant de pays et de populations, la Principauté connaît la prospérité, parce que nous avons su être rigoureux et prudents, inventifs et réactifs en ces temps d’instabilité du contexte international ».
La stabilité politique, conséquence d’un régime de Gouvernement fondé sur une Monarchie Héréditaire en place depuis plus de sept siècles, est de nature à rassurer les investisseurs et le monde des affaires, car ils savent que le Gouvernement monégasque, qui est le Gouvernement du Prince, n’est pas, et ne sera jamais, tributaire des promesses politiciennes.
Toutefois, des institutions, quelles que soient leur stabilité et leur pérennité, ne peuvent suffire à assurer la prospérité d’un pays si les fondamentaux économiques ne sont pas bons.
Sur ce point, un petit pays comme Monaco, plus que tout autre, a toujours été vigilant, car de notre situation économique et financière dépend notre insertion dans le monde et notre Souveraineté .
Autrement dit, la Principauté a toujours fait en sorte de ne pas dépendre des prêteurs, qu’ils soient institutionnels ou privés, en n’ayant jamais recours à l’endettement. Notre fonds de réserve constitutionnel, qui s’est construit en accumulant les excédents budgétaires des années, voire des décennies, passées, nous garantit, depuis sa création dans les années 1960, de vivre pleinement notre Souveraineté, et nous a donné la possibilité d’affronter avec confiance la crise depuis 2008.
Je me dois d’attirer votre attention sur le fait que, contrairement à votre grand et beau pays, la Principauté ne dispose d’aucune ressource naturelle, qui permettrait la constitution de réserves financières, à l’instar de certains fonds souverains internationaux. Seule la discipline budgétaire, la préoccupation constante de ne pas dépenser plus que nos recettes, peut représenter pour le pays la garantie de son indépendance et de sa prospérité.
Les performances économiques de Monaco continuent de positionner la Principauté à part de beaucoup d’autres pays, qui ont montré une croissance étale, voire en déclin pour la zone euro, avec une croissance de notre PIB en 2013 de près de 10%.
L’exercice 2014 sera probablement la troisième année consécutive en situation d’excédent budgétaire, et le budget primitif 2015 a été présenté et voté par le Parlement en excédent.
Ces résultats n’ont pas été obtenus sans efforts, même s’ils s’appuient sur les bases d’une gouvernance saine et durable. Alors que le FMI, dans son dernier rapport sur les perspectives de l’économie mondiale, se pose la question de savoir "si le moment est propice à une relance des infrastructures », la Principauté a fait ce choix, qui s’est toujours avéré payant pour son modèle de développement, depuis plus de 50 ans.
Ainsi, notre Pays consacre chaque année environ 30% de son budget (soit 300 millions d’euros en 2015, pour un budget légèrement supérieur à un milliard d’euros) à sa politique d'investissements, afin de sécuriser son développement économique et social et le modèle de société que j’exposais en introduction.
Ce sont des routes, des tunnels, des écoles, des logements qui sont planifiés et seront construits pour assurer l’avenir du pays et son attractivité auprès des résidents. Un nouvel hôpital, qui apportera à Monaco une offre de soins à la pointe des meilleurs standards internationaux, devrait voir le jour d’ici une dizaine d’années.
Mais pour rester attractif dans une environnement international toujours plus concurrentiel, Monaco doit aussi s’adapter et se moderniser en permanence, y compris dans les domaines et les activités qui ont fait sa renommée historique. C’est pourquoi deux bâtiments emblématiques du cœur de Monte-Carlo, l’Hôtel de Paris et le Sporting d’Hiver, vont connaître une nouvelle jeunesse.
L’un (l’Hôtel de Paris) va être entièrement rénové pour répondre aux exigences de la clientèle du monde entier, l’autre (le Sporting d’Hiver) va céder sa place à un ensemble de résidences de très haut standing, de commerces de luxe, et de bureaux, conçu par un des plus grands architectes contemporains.
Le véritable défi, que nous vivons au quotidien et avec lequel nous avons appris à composer, c’est l’espace, avec un territoire de seulement 2km2. C’est pourquoi l’année dernière, le Gouvernement, après un appel d’offres, est entré en négociation exclusive avec un grand groupe de travaux publics international et un consortium d’investisseurs afin de lancer une extension du territoire monégasque sur le domaine public maritime qui sera respectueuse des contraintes environnementales et des intérêts du pays.
Dans cette future extension délimitée par deux sites marins protégés, un nouveau quartier doit surgir d'ici une dizaine d'années. Le complexe, une fois achevé, comprendra des logements de grand luxe, des parkings, commerces, bureaux et une marina d'une quarantaine d'anneaux, ainsi qu’une extension de notre centre de congrès international, le Grimaldi Forum.
L'effort de sérieux financier et d'anticipation budgétaire dont j'ai parlé est également fondé sur la conscience aigüe que nous avons de notre sensibilité à la "globalisation" : tous les secteurs de l'économie monégasque (tourisme, industrie, commerce international, immobilier, activités bancaires et de gestion financière) dépendent de nos efforts d'adaptation au monde extérieur et de notre attractivité pour les agents économiques du monde entier.
Nous avons réussi, en dépit de la crise internationale, à attirer des résidents et des investisseurs toujours plus nombreux, qui apportent leur expertise et leur savoir-faire à Monaco, en échange, si j’ose dire, d’un cadre de vie sécure et stable, et d’un environnement international unique au monde (130 nationalités sont en effet représentées et vivent en parfaite harmonie en Principauté).
Le rayonnement de Monaco au-delà de son territoire exigü est salué, de manière régulière et positive, par les deux pays voisins que sont la France et l’Italie, auxquels l’économie monégasque procure des dizaines de milliers d’emplois dans des territoires durement frappés par le chômage.
Ainsi s’instaure un partenariat “gagnant-gagnant” entre un bassin d’emploi performant et dynamique, mais qui ne peut ni qualitativement ni quantitativement être entièrement satisfait par les nationaux et les résidents monégasques, et des zones frontalières à même de fournir les emplois demandés, qui sont en grande partie, il faut le souligner, des emplois hautement qualifiés et à forte valeur ajoutée, que nous privilégions pour notre économie en raison-même de l’exiguïté de notre territoire.
La dernière clef de l’attractivité de Monaco, c’est enfin une fiscalité adaptée privilégiant les impôts indirects (droits de mutation immobilière, TVA, droits d’enregistrement) par rapport aux impôts directs (impôt sur les revenus des personnes physiques, impôt sur les bénéfices), qui sont de moins en moins supportables pour les individus et les ménages, et qui pénalisent souvent dans les plus grands pays la croissance et l’innovation.
Ce choix de fiscalité, qui est aussi un choix de société, n’est pas dû à l’air du temps. C’est le Prince Charles III qui a pris la décision, par une Ordonnance Souveraine du 8 février 1869, d’abolir tous les impôts directs perçus par le Trésor princier, afin de relancer l’économie de la Principauté, qui avait à l’époque été amputée d’une grande partie de son territoire. C’est de cette période que datent notamment la création de la Société des Bains de Mer et la naissance d’une activité touristique, qui ont assuré depuis la renommée de la Principauté, notamment, et ce dès l’origine, auprès d’une clientèle russe.
Il est clair que notre intégrité territoriale ne subit plus de menace aujourd’hui, et notre territoire va une nouvelle fois être étendu sur la mer. Mais notre système fiscal est aussi, pour les nationaux et les résidents monégasques, un marqueur de l’identité de notre pays, aussi bien qu’une expression de notre Souveraineté internationale.
Ceci étant, et selon la volonté affichée par S.A.S. le Prince Souverain dès Son Discours d’Avènement en juillet 2005, la Principauté a toujours refusé d’asseoir son développement économique sur des pratiques fiscales contestables, et le terme “paradis fiscal”, aujourd’hui plus que jamais, ne peut ni ne doit lui être accordé. Le statut de Monaco en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, de transparence et de coopération fiscale internationale, est unanimement reconnu, notamment au sein de l’OCDE, et les efforts accomplis de manière constante dans ce domaine constituent un facteur d’attractivité supplémentaire pour notre pays.
Comme vous le savez, le 19 décembre dernier s’est ouverte à Monaco l’Année de la Russie, qui verra se dérouler pas moins de 140 évènements ou initiatives à forte coloration culturelle russe. Je termine donc mon propos en écho à ceux du Souverain, qui ont été lus ce matin par Son Excellence Monsieur le Ministre d’Etat, en vous faisant deux confidences.
J’ai d’abord une raison personnelle de me réjouir de ce choix du Souverain, car mon goût pour les arts, et celui du public de la Principauté, va être comblé pendant près d’un an. C’est une belle et grande opportunité qui nous est proposée de pouvoir satisfaire notre appétit pour la culture ou la gastronomie russe.
Ma participation au Gaidar Forum sera ainsi, en quelque sorte, le point de départ et l’occasion d’unir, à Moscou, sur le plan économique, ce qui nous sera offert lorsque résonneront en Principauté la voix d’Anna Netrebko et l’orchestre de Yuri Bashmet.
Je vous remercie de votre attention.