Pourquoi les investisseurs doivent s’intéresser à la biodiversité

2024 02 09 Damian Payiatakis

Alors que la totalité de la vie sur terre dépend de sa biodiversité, celle-ci est de plus en plus menacée par l’activité humaine. Dans chaque recoin du globe, la biodiversité est altérée – une étude montre que seuls 3 % de la surface terrestre peuvent être considérés comme abritant une « faune intacte », ce qui signifie que ces zones conservent des populations saines de l’ensemble de leurs animaux d’origine(1), tandis qu’on estime à un million le nombre d’espèces animales et végétales menacées d’extinction(2).

Pour les investisseurs, cette perte de biodiversité pose d’importants risques financiers pour de nombreux secteurs d’activité. On estime que plus de la moitié de la production économique mondiale dépend, d’une manière ou d’une autre, de la nature dans une large proportion (3). Les investisseurs seraient donc bien inspirés de reconnaître et de tenir compte des liens de dépendance de l’humanité avec l’environnement, et de ses impacts sur celui-ci.

La dépendance des entreprises envers la nature

Du point de vue financier, la nature fournit un stock d’actifs environnementaux. Ceux-ci incluent les ressources naturelles renouvelables et non renouvelables, qui incluent tant les plantes et les animaux que l’air, l’eau, le sol et les minéraux. Chacun de ces éléments a une valeur financière pour les entreprises qui en tirent profit.
Toute perte ou altération de ces actifs naturels peut donc avoir un impact sur la valeur de ces mêmes entreprises. Les risques sont plus évidents pour les activités du secteur primaire qui produisent ou extraient des matières premières telles que l’industrie minière, la sylviculture, l’agriculture ou la pêche. Mais même des secteurs d’activité comme la cosmétique ou l’industrie pharmaceutique dépendent de matières premières dérivées de la nature.
En outre, les impacts et les coûts environnementaux ont depuis toujours été externalisés pour les entreprises. Mais aujourd’hui, ils gagnent en visibilité à mesure qu’évoluent les attentes des consommateurs, les dynamiques de marché et le cadre réglementaire. Les entreprises ne peuvent plus espérer exploiter la planète sans dommages potentiels pour leur chiffre d’affaires ou leur réputation, voire sans s’exposer à des poursuites judiciaires.

Un engagement envers la protection

D’importants progrès ont été réalisés pour protéger la biodiversité au cours des quatre décennies qui ont suivi le premier Forum sur la biodiversité (National Forum on BioDiversity) de 1986 (4) . À l’issue de la 15e Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique (CDB COP15) de décembre 2022, quatre grands objectifs et 23 cibles ont été adoptés par plus de 190 gouvernements pour l’horizon 2030 (5).
La promesse la plus notable est peut-être celle d’œuvrer à la conservation de 30 % des terres et de 30 % des océans de la planète d’ici la fin de la décennie. Ces engagements entraîneront un renforcement de la législation, des mesures d’application réglementaire et des investissements publics.
Dès lors, les investisseurs devraient s’intéresser aux impacts éventuels que pourraient avoir ces futures évolutions sur leur capital. Une nouvelle tendance consiste à investir dans des « solutions fondées sur la nature » qui protègent, gèrent durablement et restaurent les écosystèmes naturels ou modifiés.
Ainsi, certains investisseurs ont choisi de financer la plantation de mangroves pour réduire les inondations, l’érosion des côtes et les risques liés aux ondes de tempête plutôt que la construction d’infrastructures. Une étude ayant car-
tographié les risques d’inondation sur plus de 700 000 kilomètres de littoral subtropical dans 59 pays a démontré que les mangroves réduisaient le risque d’inondation pour plus de 15 millions de personnes, et empêchaient plus de 65 milliards de dollars de dommages matériels chaque année (6). Les mangroves offrent non seulement une alternative viable aux structures créées par l’homme, mais elles fournissent également un habitat naturel pour la faune sauvage (7), qui peut elle-même être génératrice de valeur récréative et touristique ou de valeur commerciale, avec notamment les pêcheries et l’élevage de crevettes.

Agir

Créé en 1985, le terme « biodiversité »(8) est une contraction de « diversité biologique » . Il vise à simplifier en un seul mot le réseau extrêmement complexe des écosystèmes interconnectés sur terre. Préserver la biodiversité qu’il nous reste, et restaurer celle qui est détériorée, est tout sauf simple. Pour la communauté de l’investissement, la prise en considération de la biodiversité n’en est qu’à ses débuts.
Néanmoins, il est évident que les investisseurs se trouvent face à des risques pesant sur leurs portefeuilles en raison de la perte de biodiversité, mais également à des opportunités de contribuer au gain de biodiversité. En agissant positivement via l’investissement dans des solutions fondées sur la nature, et en gérant votre portefeuille de manière à minimiser son impact environnemental, l’activité humaine, plutôt que d’être une menace, peut aider à sauvegarder la biodiversité – ainsi que toute la vie sur terre, qui en dépend.

 

(1)Où peut-on trouver des communautés écologiques intactes ? Frontiers in Forests and Global Change
(2)Rapport de l’ONU: Le dangereux déclin de la nature: Un taux d’extinction des espèces « sans précédent » et qui s’accélère - Objectifs de développement durable de l’ONU, 6 mai 2019
(3)Gérer le risque naturel: de la compréhension à l’action, Pwc, 19 avril 2023
(4)Biodiversité, E.O.Wilson, National Academies Press, 1988
(5)La COP15 se termine par un accord historique sur la biodiversité, Programme pour l’environnement de l’ONU, juillet 2023
(6)Les mangroves nous protègent de milliards de dollars annuels de dommages liés aux inondations, Global Center on Adaption, 2020
(7)Les mangroves pour protéger les côtes: Orientations pour les gestionnaires de littoral et les décideurs politique), The Nature Conservancy, 2014
(8)BiosScience, L’origine du terme biodiversité, Bioscience, 1er juillet 2021