L'Intelligence Artificielle : Perspectives et Enjeux selon Achille Monnet, Analyst Equity Research chez UBS

2025 03 18 Achille Monnet UBS

Dans un monde où l'innovation technologique redessine les contours de l'économie, l'intelligence artificielle (IA) est au centre de toutes les attentions. Achille Monet, Analyst Equity Research chez UBS, nous livre son analyse sur les tendances majeures de ce secteur en pleine mutation, ses implications sur les marchés financiers et les opportunités d'investissement qu'elle suscite.

Avant d'aborder les tendances de l’IA, pouvez-vous nous parler de votre parcours et de votre rôle chez UBS ?

Bien sûr. Je suis Analyst Equity Research chez UBS et je travaille depuis plusieurs années à Zurich. Mon parcours est international : j’ai grandi à Singapour avant d’étudier en Angleterre, puis j’ai rejoint UBS où j’ai d’abord couvert plusieurs secteurs d’activité, avant de me spécialiser sur le secteur des technologies. Depuis août 2022, j’analyse en profondeur les dynamiques qui transforment l’industrie technologique, avec un focus particulier sur l’intelligence artificielle.

Je fais partie du CIO (Chief Investment Office) chez UBS, qui regroupe un pool d’analystes spécialisés par secteur et région. Mon rôle est d’identifier les tendances majeures de la technologie en Europe et d’accompagner nos clients dans leurs décisions d’investissement. Notre approche intégrée est très différenciante : nous ne nous contentons pas d’une analyse isolée, mais nous collaborons étroitement avec des experts et des stratèges pour fournir des recommandations éclairées aux investisseurs.

Quelles sont les principales tendances que vous observez concernant l'avenir de l'intelligence artificielle ?

Nous identifions actuellement trois transformations structurelles majeures dans le secteur des semiconducteurs. Le premier grand changement réside dans l'évolution des puces informatiques : nous sommes passés des processeurs classiques (CPU) à des unités de traitement spécialisées (GPU), optimisées pour l'entraînement des modèles d'IA. Ensuite, nous assistons à une mutation dans les technologies de mémoire, avec l'émergence de solutions plus performantes portées notamment par des acteurs coréens. Enfin, les avancées en matière de fabrication, dominées par des entreprises comme TSMC (Taïwan Semiconductors Factoring Company), sont fondamentales pour soutenir cette transition.

Quels sont les secteurs d'activité où l'IA est la plus prometteuse ?

Nous distinguons trois secteurs clés où l'IA exerce déjà un impact significatif. D'abord, celui du développement des logiciels, où des entreprises comme Google annoncent que 25 % de leur code est désormais écrit par des modèles d'IA, avec une projection de 60 % à court terme. Ensuite, la publicité digitale, marché colossal de 600 milliards de dollars annuels, est déjà transformée par l'IA, qui permet d'améliorer les taux d'engagement et de conversion. Enfin, le service client bénéficie de l'automatisation et de l'optimisation des interactions grâce aux modèles d'IA. Pour que l'IA reste un moteur de croissance durable, elle devra continuer à s'étendre à d'autres industries, comme la pharmaceutique, où son potentiel est immense.

Quelle est votre méthodologie pour analyser ces évolutions sectorielles ?

Notre approche repose sur une analyse approfondie et multi-niveaux. Nous cherchons à anticiper où se situera une industrie dans 3 à 5 ans et quels acteurs seront les mieux positionnés. Nous nous appuyons sur plusieurs axes : l'identification des entreprises leaders, l'analyse de leurs avantages compétitifs et leur capacité à maintenir ces avantages. Nous examinons également la rentabilité future et la structure économique de ces sociétés. Enfin, nous comparons nos évaluations avec les données de marché et les tendances macroéconomiques afin de fournir des recommandations d'investissement pertinentes.

Comment UBS accompagne-t-elle ses clients sur ces questions ?

Nous organisons régulièrement des événements, des conférences et des discussions individualisées avec nos clients pour les aider à naviguer dans cet univers complexe. Il y a un réel besoin d'éducation sur l'IA, tant cette nouvelle technologie est médiatisée. Notre rôle est d'apporter un éclairage précis et pragmatique pour aider nos clients à définir leurs stratégies d'investissement.

L'élection de Donald Trump a-t-elle eu un impact sur le marché des technologies et de l'IA ?

Les récents mouvements de marché résultent principalement de l'incertitude que suscite son comportement, difficilement prévisible. Deux éléments de risque dominent cette situation : le risque de positionnement, les investisseurs ayant massivement misé sur les valeurs technologiques, et l'incertitude géopolitique qui pourrait affecter la stratégie des grandes entreprises. Néanmoins, fondamentalement, les bases du secteur restent solides.

Quels sont les enjeux de l'IA dans la finance ?

La finance présente une formidable opportunité pour l'IA, car les banques disposent de ressources technologiques et de budgets considérables. Toutefois, l'un des défis majeurs réside dans la tolérance à l'erreur. Les systèmes financiers exigent une précision extrême, ce qui limite l'application directe de l'IA aux fonctions critiques. En revanche, l'automatisation des processus back-office et l'optimisation des services clients sont déjà en cours. Il s'agit également d’un levier stratégique pour les banques qui, grâce à l'IA, peuvent améliorer leur avantage concurrentiel.

Qui sont les leaders mondiaux dans l'adoption de l'IA ?

Les États-Unis sont incontestablement en tête, grâce à leur écosystème logiciel très avancé et leur capacité d'innovation. Leur vitesse d'adoption et l'ampleur de leurs investissements confèrent aux entreprises américaines un avantage décisif. La Chine tente de rivaliser, notamment avec des acteurs comme Deepseek, mais les écarts demeurent significatifs.

Enfin, le coût de développement de l'IA pourrait-il freiner sa progression ?

Le coût de l'IA diminue exponentiellement. Alphabet Inc a observé une baisse de 90 % en un an, ce qui suggère une explosion de la demande à mesure que l'accès à cette technologie se généralise. L'histoire des avancées technologiques nous montre que la baisse des coûts stimule l'innovation et ouvre la voie à de nouveaux usages encore insoupçonnés. Toutefois, les différences entre les régions restent marquées : les entreprises américaines, grâce à leur capitalisation et leur capacité d’investissement, bénéficient d’un net avantage sur leurs concurrents européens ou asiatiques.