Magali Vercesi, Secrétaire Général de la Commission de Contrôle des Activités Financières, a une vision globale de la Place financière et de son évolution, non seulement locale mais aussi au sein d’un marché international aujourd’hui interpelé par les crypto-monnaies.
Depuis quelques années, on voit se développer à Monaco le nombre de Sociétés de Gestion, de Family Offices (F.O) et, depuis un an, de Multi Family Offices( M.F.O). Quel rôle joue le régulateur ?
Les M.F.O sans conseil financier, tels qu’ils se développent pour l’instant en Principauté, et les F.O sont hors agrément, selon la Loi 1318 sur les activités financières. Donc, le régulateur ne joue aucun rôle.
Début 2017, on dénombrait 31 banques sur la Place et 58 sociétés de gestion. Ces dernières sont nombreuses, et les demandes d’agréments les concernant également. Avec un résultat positif d’environ 50 %.
Il y a six commissions d’agrément par an. La Commission est très vigilante quant à la qualité des projets présentés. Nous vérifions l’expérience du dirigeant, la solidité financière de son projet, les produits de gestion proposés (qui doivent être innovants pour la Place). Enfin, la future société de gestion doit être capable de détailler son activité, son projet commercial, les moyens qu’elle y consacre, et quel type de clientèle est ciblé. Nous souhaitons que les nouveaux entrants puissent bien sûr offrir de nouvelles opportunités d’investissements à la clientèle monégasque, mais aussi qu’ils puissent faire profiter la Principauté d’un apport de clientèle extérieure.
Le Brexit pourrait amener certaines sociétés de gestion à s’installer ici, et à encore accélérer le mouvement…
A Monaco, quelle est la position du régulateur concernant crypto-monnaies et ICO (Initial Coin Offering) ?
En ce qui concerne les crypto-monnaies, nous arrivons à mon sens aux limites du système qui a été initialement créé pour échapper à toute régulation.
Les crypto-monnaies touchent un public de plus en plus large, et la conséquence va être un besoin de garantie et de sécurité. Un nouvel espace financier se développe : jeune, pas encore à maturité. Va-t-il pouvoir évoluer, en vitesse de croisière, sans régulateur ? Cela paraît difficile… Et le régulateur s’interroge : comment se positionner ?
Les ICO ont connu un développement important en 2017. Les sociétés font appel à des levées de fonds, pour développer des projets futurs. L’émission d’actifs numériques échangeables contre des crypto-monnaies durant la phase de démarrage d’un projet est de plus en plus utilisée.
Si le taux de réussite de ces levées de fonds s’avère élevé, et les promesses tenues, le régulateur va probablement devoir se positionner.
Réguler, c’est émettre des textes et des lois. Tant que les besoins ne sont pas stabilisés, il est difficile de réguler. La vraie question est : quand le marché aura-t-il atteint sa maturité ?
Quelles sont les positions des Places financières à ce sujet ?
Hong Kong n’a pas de régulation, mais des Best Practices à respecter. Le Japon accepte les paiements en crypto-monnaies. La Suisse, plus proche de nous, essaie de mettre en place une régulation sous l’impulsion de la politique des quotas. Mais les sujets sont nombreux : quelle est la nature juridique du TOKEN ? Comment peut-on traiter ces crypto-monnaies fiscalement ?
Les TOKEN sont vendables et achetables sur des plateformes d’échange, à un taux dépendant de l’offre et de la demande. Ils sont donc liquides ; les établissements bancaires vont-ils accepter de recevoir des fonds de ces plateformes d’échange ? Et comment ?
Enfin, à cela se greffe la législation sur le blanchiment. Les plateformes ont-elles des procédures KYC (Know Your Customer) d’un niveau suffisant pour que leurs fonds soient acceptés par les banques ? Certains établissements bancaires pensent à intégrer des TOKEN dans les portefeuilles de valeurs mobilières des clients. 2018 sera une année charnière pour voir comment cela va évoluer…
En conclusion…
Le bon timing est primordial. La régulation est nécessaire, mais pas au détriment de projets intéressants et innovants.